Recueil de sentiments et de vécus, la poésie comme une rencontre humaine et sociale.

EXTRAIT

“Borborites.

Toutes les histoires sont fausses
Seule la souffrance est réelle
Et la vie de nos jours s’en gausse
Pendant qu’on court à tire-d’aile
Quérir au fond des basses-fosses
Nos déchets d’âme en ribambelle

Ce n’est pas un récit vaillant
Qui fera de nous des surhommes
Perdus parmi des malvoyants
Qu’on prend pour des bêtes de somme
Parce qu’on les croit malveillants
Leurs courses n’allant plus à Rome

C’est la fin le plus difficile
Quand il faut trouver une issue
Au-milieu d’éléments hostiles
Où nous passons inaperçus
Encagés dans des murs de ville
Sans jamais avoir le dessus”

ISBN 9782851220578

Gazette n°530
mercredi 16 août 2023
inspirée par
“Absence de principes”
de Gérard Battaglia
 
L’abus de vivre nuit à la santé ?
 
JAMAIS PLUS !
 
Baltimore, 7 octobre 1849. Il y fait déjà assez frais, et ce matin gris d’octobre ne porte pas à la bonne humeur le locataire du 221b, Winchester street[1].
Âgé de quarante ans depuis le début de cette année, Allan-Poe est pourtant bien fatigué.
— Philea, où est ma bouteille ?
— Monsieur Edgar... vous ne pensez pas qu’il est un peu tôt pour le Bourbon ?
— Je fais ce qu’il me plaît !
La vieille femme qui lui sert de bonne à tout faire, se renfrogne, mais va tout de même à la pêche au flacon.
— Tenez ! Et surtout saoulez-vous bien !
— Tu m’emmerdes Philea !
— Je sais, mais je crois que ça n’est plus pour si longtemps.
Allan-Poe la regarde d’un œil torve... puis se radoucissant, un sourire lui vient sur le visage.
— J’espère que cela ne durera pas, moi aussi... et je pourrais rejoindre Virginia à tout jamais.
La bonne Philea, qui finalement a pour celui-ci que de bons sentiments, lui rend un sourire aimable.
— Allons, allons, Monsieur Edgar, je ne pensais pas ce que je disais. Je suis désolée de mon emportement.
Alors qu’Allan-Poe se sert une rasade de Bourbon bien tassé, le passage d’un tramway lourdement chargé fait vibrer la pièce. Un livre tombe sur ses genoux. Allan-Poe le retourne...
— Mon “Corbeau” !
— Que dites-vous ?
— Ma première édition du Corbeau que j’ai eu chez Wiley and Putnam de New York.
Allan-Poe, son livre en main, se perd dans les méandres de ses pensées alcoolisées... il revoit le visage amoureux de sa femme, morte deux ans plus tôt de cette satanée tuberculose.
“Vingt-quatre ans... comment peut-on mourir à cet âge ?” pense-t-il.
Le visage du poète s’assombrit.
— Il n’y a pas de dieu ! Dieu est une fiction immonde... Philea.
— Monsieur Edgar ! Décidément, vous n’avez pas de principes !
— Jamais plus !
Il met la main à son cœur, qu’il agrippe. Son visage crispé épouvante la vieille Philea qui n’en peut mais...
Edgar Allan-Poe est mort.
 
Épinac, le 16 août 2023

[1] Si la rue existe bien à cette époque à Baltimore, je l’ai prise au hasard, ne connaissant pas l’adresse réelle d’Allan-Poe dans cette ville en 1849. NdA