“Denis éditions” éditions artisanales - Plus qu'une édition, une envie de partage
Dix-huit auteurs dans leurs œuvres ailurophile, poétiques ou ténébreuses, charmantes ou inquiétantes, drôles ou tristes... voici un recueil de nouvelles dont le chat... les chats, sont les personnages centraux.

EXTRAIT

“[...] Une nuit, comme je rentrais au logis très ivre, au sortir d’un de mes repaires habituels des faubourgs, je m’imaginai que le chat évitait ma présence. Je le saisis ; mais lui, effrayé de ma violence, il me fit à la main une légère blessure avec les dents. Une fureur de démon s’empara soudainement de moi. Je ne me connus plus, mon âme originelle sembla tout d’un coup s’envoler de mon corps, et une méchanceté hyperdiabolique, saturée de gin, pénétra chaque fibre de mon être. Je tirai de la poche de mon gilet un canif, je l’ouvris ; je saisis la pauvre bête par la gorge, et, délibérément, je fis sauter un de ses yeux de son orbite ! Je rougis, je brûle, je frissonne en écrivant cette damnable atrocité !
Quand la raison me revint avec le matin — quand j’eus cuvé les vapeurs de ma débauche nocturne — j’éprouvai un sentiment moitié d’horreur, moitié de remords, pour le crime dont je m’étais rendu coupable ; mais c’était tout au plus un faible et équivoque sentiment, et l’âme n’en subit pas les atteintes. Je me replongeai dans les excès, et bientôt je noyai dans le vin tout le souvenir de mon action. [...]”
extrait de “Le chat noir” d’Edgar Allan-Poe

ISBN 9782851221018

Gazette n°511
lundi 3 juillet 2023
inspirée par
“Chats d’auteurs”
du collectif “chat m’intéresse”

De Prévert, on connait son “Pour faire le portrait d'un oiseau”... mais un chat ?

POUR FAIRE LE PORTRAIT D'UN CHAT

Pour peindre un chat, il n’y a rien de plus simple. Il suffit, paisiblement, de se gratter l’oreille d’un air détaché.
De se munir de quelques cheveux en guise de moustache, en les posant aux commissures des lèvres.
D’abord, il vous faut la toile. Grimpez aux rideaux que votre maîtresse aime tant pour en déchirer un morceau qui vous servira pour le tableau.
Pour les couleurs du tableau ; prenez des pelotes de laine, toutes neuves, pour jouer avec. Roulez-vous sur le dos en les dépiautant de vos griffes. Ensuite, nonchalamment, faites comme si de rien n’était. De toute façon, cela ne vous plaisait pas. Allez chercher alors une plume.
La plume se trouve à la queue du canari jaune qui se moque de vous et dont le chant dismélodieux vous écorche les tympans.
Sautez sur la cage, ouvrez doucement la porte de celle-ci en souriant à Titi. Puis demandez-lui, gentiment, de vous donner cette plume qui vous tente tant.
S’il refuse, c’est que votre tableau sera raté, alors poussez la cage pour qu’elle tombe par terre ; ça ne sert à rien pour votre œuvre, mais ça détend.
S’il accepte, alors pour le remercier, saisissez-vous de lui, prenez la plume, et mangez-le, après tout pourquoi pas. Vous en aviez trop envie.
Retournez à votre toile vierge. Elle est si douce. Blottissez-vous dedans, ronronnez. Il n’y aura pas de peinture aujourd’hui. Mais la vie est si belle, que ça peut attendre un autre jour !

Épinac, le 3 juillet 2023