“Denis éditions” éditions artisanales - Plus qu'une édition, une envie de partage
Voyagez en compagnie de l’auteur dans les rues de Beijing ou la campagne chinoise... en toute quiétude, au rythme du visiteur curieux.

EXTRAIT

“Depuis une semaine les activités sédentaires de discussions interminables, de réceptions mondaines et de formalités à outrance ont eu raison de moi. Je suis devenu léthargique et une légère tendance à l’embonpoint se fait sentir. Décidément un besoin d’activité physique s’annonce urgent et j’entreprends de faire le tour de la cité millénaire à vélo pour pouvoir également flâner dans les vieux faubourgs et passer librement dans les immenses parcs publics.
Joignant l’acte à la parole et profitant de mon jour de congé aujourd’hui, je me suis levé aux aurores, c’est à dire vers 10 heures, pour mettre mon projet à exécution. J’ai loué un vélo à l’hôtel, me suis procuré un plan de la ville et après un “brunch” frugal, me voilà en route vers l’inconnu...”

ISBN 9782851221001

Gazette n°519
vendredi 21 juillet 2023
inspirée par
“Voyages en Chine 1995 à 1999”
de Nguyen Quoc Bao

L’Histoire est un dédale.

“POUM”

— Jing, ramène tes fesses ici !
— Oui sergent Lao.
Hu Jing a été engagé “volontaire”, lors d’un tirage au sort dans le village de Fanangpo, sur les bords du Yangtsé, en septembre 1972. Intégré comme soldat dans l’armée populaire de libération.
Le sergent Ming Lao, quant à lui, a participé à la grande marche aux côtés de Mao Zedong, c’est un fervent membre du Parti communiste chinois.
— C’est quoi ça, soldat ?
Dans la cahute délabrée, Jing regarde par terre, et découvre avec horreur un bras ensanglanté, gisant là. Le bras de Jack Kirby, reporter pour le magazine américain The New Yorker qui suivait il y a quelques heures encore la conférence de paix de Paris entre américains et vietnamiens.
— Tu étais responsable de ce prisonnier, soldat ?
Jing est effondré, d’autant qu’il appréciait cet américain avec qui il avait sympathisé, malgré le fait qu’il était leur prisonnier, après avoir découvert la présence de soldat chinois sur ce théâtre d’opérations.
— Je suis désolé, sergent... on n’aurait pas dû miner le jardin.
— Je ne te demande pas ta contrition, camarade, mais de te débarrasser de ce qu’il en reste. Tant pis s’il voulait s’évader.
Un soldat arrive précipitamment. Il est hors d’haleine.
— Sergent ! Sergent !
— QUOI ? Qu’est-ce qu’il y a encore ?
— Ça vient d’être signé !
Le sergent s’effondre sur ce qu’il reste d’un fauteuil.
— Bordel !
— Qu’est-ce qu’on fait alors, sergent ?
— On dégage... “il n’y a pas de troupes chinoises ici”... je vais prévenir tout de suite le général Duong Bảo Phúc à Hanoï.
— On rebrousse chemin alors ?
— D’APRÈS-TOI, SOLDAT ?
Le sergent Ming Lao est hors de lui.
— Mais la bombe ? s’enquiert le soldat qui venait d’arriver.
— Liu... tu parles trop.
Il sort son arme de poing. Vise. Et lui fait un gros trou entre les deux yeux.
Jing regarde ailleurs, comme s’il n’avait rien vu.
— T’as dit quelque chose soldat Jing ?
— Nan, nan, sergent... je vais m’occuper des morceaux de l’américain.
Une fois la cabane libérée des oreilles indiscrètes, le sergent prend le téléphone de campagne.
— “Allô ?... passez-moi le général.”
— ...
— Mon général ? Faut-il désamorcer le foutoir ?
— ...
— Ben... vu les accords de Paris dont j’ai appris la signature il y a quelques instants. L’opération “Ras-la-moquette” combinée entre nos deux armées... est caduque ?
— ...
— Comment-ça “on s’en tape” ? Vous pensez encore qu’une explosion nucléaire à Paris... maintenant... est utile ?
— ...
— Bien mon général.
Le sergent Lao repose le téléphone.
— Soldat Jing !
Arrivant avec quelques sacs-poubelle bien remplis et hermétiquement clos, le soldat Jing se représente devant son supérieur.
— Oui sergent ?
— Finalement... on va la visiter cette Tour Eiffel, camarade.
— Eh “poum” ?
Avec un sourire narquois, le sergent répond :
— “Poum” !

Épinac, le 21 juillet 2023