Imaginaire n°610
lundi 19 février 2024
inspirée par
“La Soumission”
d’Énis
Se soumettre, ça peut être se laisser porter par ce qui arrive, avec confiance.
LES CHANTS VENTEUX
Anton Kádár, compositeur en mal d’inspiration se promène dans le cimetière de Farkasrét, dans la partie ouest de la capitale de Hongrie, Buda.
“Pour écrire un Requiem, rien de mieux pour trouver l’inspiration que ce lieu”, s’était-il convaincu. Il marchait dans les allées, les mains dans le dos, d’un pas lent et les yeux perdus de droite et de gauche, laissant ses pensées se poser, seule, sur les noms.
Soudainement, au détour d’une allée, il voit sur la gauche un espace dégagé... une sculpture effilée qui surplombe le nom, en gros : Bartók.
Il ne se rappelait plus de l’emplacement de cette tombe. Celle du magistral compositeur.
S’approchant du sépulcre solitaire, il ressent alors comme une présence. Rien d’inquiétant, plutôt une sorte de souffle frais, quelque chose qui lui rappelle instantanément cette “Cantata profana” qui l’avait poussée, enfant, dans les études musicales. En un instant, le souffle s’intensifia pour devenir vent, et les arbres alentours portaient alors les chants de cette cantate.
Un frisson lui parcourut l’échine. Il ne put alors que s’assoir, face à la tombe, par terre, les yeux hypnotisés.
Le ciel, se mettant à l’unisson, se couvrit d’un seul coup de nuages gris. Le vent s’apaisa pour prendre de la vigueur, les voix sorties des feuilles, des branches et des troncs s’imposèrent.
C’est à ce moment-là qu’il sentit derrière lui, autour de lui, à côté de lui, une présence... paternelle. Et la force des chants devint douce, rassurante.
Il avait la tête toujours portée en avant, subjugué par le moment, il était pétrifié, calme. Pendant de longs instants, il se laissa bercer.
Un coup de tonnerre ne le fit même pas bouger. Et toujours cette présence puissante, cette force intérieure qui l’entourait, le rudoyait, le portait.
Il se sentait si bien, face à la tutélaire dernière demeure du compositeur. Les nuages s’écartèrent enfin et le soleil réapparut, tandis que le souffle du vent s’adoucit, jusqu’à disparaître.
Après le vacarme des chants venteux, le calme total revint, il sentit de nouveau la chaleur des rayons du soleil sur sa peau.
Il leva la tête au ciel. Sourit.
— Merci, fit-il en souriant, reconnaissant.