Au xixe siècle, l'homosexualité était un crime. Et les seuls ouvrages qui “osaient” aborder ce sujet avec des pincettes, le traitait d'une manière médicale. Malgré tout, le “paysage” dépeint par ses auteurs éclairent le lecteur sur ce qui pouvait arriver aux... “pédérastes”.

EXTRAIT

“De même qu’en présence de certains animaux, de certains objets, nos sens éprouvent une impression spontanée et indéfinissable de répugnance et de dégoût, de même au contact de certains individu, à la pensée de certaines actions, notre âme se replie sur elle- même en cachant avec peine ou quelquefois en manifestant hautement la réprobation que lui inspirent ces actions ou ces individus. Mais si le vice blesse un cœur bien placé, si l’homme d’honneur repousse avec indignation tout ce qui est odieux, de quel dégoût ne sera-t-il pas saisi en voyant que le vice le plus honteux peut engendrer un métier encore plus réprouvé ? .”

ISBN 9782851221124

Imaginaire n°609
vendredi 16 février 2024
inspirée par
“La prostitution masculine au xixe”
de Léo Taxil
 
Chaque époque a ses exclus et... ses raisons.
 
LE BON VIEUX TUBE
 
Dix-neuvième étage, tour Babel, dans le centre du grand jardin du Xembourg à Parilyon. La tour a été abandonnée il y a déjà plus de cinquante ans, elle tombe presque en ruine, mais les ordres sont les ordres. Il faut intervenir suite à des plaintes pour tapage.
Le xxiie siècle commence et ce matin du 1er janvier 2101, deux personnages sont dans un ascenseur.
— Tu veux que je te dise, Melchior ?... La technologie ne m’a jamais attiré, je préfère de loin me tromper en tant qu’humain que d’avoir raison en tant qu’Huboïde.
Melchior, qui lui n’est qu’à demi Huboïde, n’est relié au collectif que par ses yeux.
— Je sais, commissaire Alceste, je vous comprends, mais le lien avec le collectif est une sécurité.
— J’m’en fous de ce putain de coll’, sourit le commissaire à son assistant personnel Huboïde, bon... on est à l’étage... tu es armé ?
Melchior vérifie la poche intérieure de sa parka.
— Ouaip, chef, j’ai bien mon Taz’
— Fais gaffe... pas sur 8 comme la dernière fois, la grand-mère a fini à l’hosto.
— Non, commissaire... il est sur 2.
— Là t’exagères, mets-le sur 4 quand même, avec les zozos qui habitent là, vaut mieux prévoir.
L’assistant s’exécute en silence. Ils s’approchent de la porte de l’appartement B19-65. Alceste colle son oreille à la porte.
Il chuchote.
— J’ai pas l’impression qu’il y ait grand monde.
— On fait quoi, alors, commissaire ?
— À l’ancienne !
Le commissaire se recule, et en prenant son élan, il file un grand coup de pied dans la porte, puis avec l’épaule, la défonce littéralement.
— Milice ! Personne ne bouge ! gueule-t-il, le Taz’ en avant en déboulant dans l’appartement.
Mais il n’y a personne. La porte qu’il vient d’exploser donne directement dans un grand salon, dont la baie vitrée brisée laisse passer le vent. De vieux rideaux déchirés volent chaotiquement. La pièce est dans un désordre indescriptible ; de vieux fauteuils éventrés, un canapé déchiré, une relique de table basse et des morceaux de verre partout.
Melchior, entré à la suite de son supérieur, est hypnotisé par les photos qui décorent les murs.
Des photos artistiques en noir et blanc de nus masculins.
— Eh bé !
Le commissaire se retourne vers l’assistant.
— Eh oui... des refuseurs.
— Des vrais ? De ceux qui refusent le réarmement de la natalité ?
— Exactement, Melchior, le précepte du xxie n’a pas convaincu tout le monde.
— Mais il n’y a personne ici, chef.
— C’est ce qui m’inquiète. La plainte reçue parlait bien du dix-neuvième étage, et ciblait particulièrement cet appartement. Tiens ! Va voir là-bas, moi je vais de l’autre côté. Fais gaffe... on ne sait jamais avec les refuseurs.
Melchior va, sur l’ordre du commissaire, vers un long couloir éclairé par la lumière encore faible de cette matinée parvenant d’une pièce au fond.
Pendant ce temps, le commissaire Alceste, pousse une porte et découvre une chambre avec un grand lit. Étonnamment, la chambre est dans un parfait état, comme si elle avait juste accueilli cette nuit même les ébats de refuseurs.
— Commissaire ! Commissaire ! Venez.
Toujours inquiet, il accourt, le Taz’ en avant.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Melchior a ouvert une porte au milieu du couloir qui était comme cachée par une tenture aux couleurs du rainbow flag[1], signe de la plupart des refuseurs. Ils découvrent une grande pièce sans fenêtres plongée dans la pénombre. Seule la lumière du couloir fait scintiller une boule à facettes... et la sono soudainement se met en marche, d’une manière étrangement automatique.
Au grand étonnement de ces deux-là, la musique à fond déverse une chanson oubliée :
 
Young man, there's no need to feel down
I said, young man, pick yourself off the ground
I said, young man, 'cause you're in a new town
There's no need to be unhappy
 
Young man, there's a place you can go
I said, young man, when you're short
on your dough
You can stay there and I'm sure you will find
Many ways to have a good time
 
It's fun to stay at the Y.M.C.A.
It's fun to stay at the Y.M.C.A.
They have everything
For young men to enjoy
You can hang out with all the boys
 
— C’est quoi cette horreur ? crie Melchior.

***

À l’aube du 2 janvier 2101, la tour Babel est annihilée par les services compétents.
— Voilà un nid de refuseurs en moins, mon bon Melchior.
— Oui... ce qui m’étonnes c’est leur mauvais goût en musique.
Le soleil se lève bien haut dans le ciel de la ville lorsque les paroles de l’hymne national se font entendre :
Laisse-moi zoom-zoom-zang dans ta Benz, Benz
Girl, quand tu whine ton bumpa, ça m’rend dingue, dingue, dingue...

[1] Drapeau arc-en-ciel.