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Il y a 150 ans, ils croyaient à l’émancipation, à une société plus égalitaire pour tous : hommes, femmes et enfants... C’était “La Commune”, elle vit toujours dans le cœur des humains.

EXTRAIT

“Jacques Louis Durand
(1817-1871)
ouvrier cordonnier
élu au Conseil de la Commune
membre de la Commission de la Justice
fusillé durant la Semaine sanglante



[...]
INTERMÈDE POÉTIQUE

CHANSON DES PRISONS
Louise Michel

Quand la foule aujourd’hui muette,
Comme l’Océan grondera,
Qu’à mourir elle sera prête,
La Commune se lèvera.

Nous reviendrons foule sans nombre,
Nous viendrons par tous les chemins,
Spectres vengeurs sortant de l’ombre,
Nous viendrons nous serrant les mains.

La mort portera la bannière ;
Le drapeau noir crêpe de sang ;
Et pourpre fleurira la terre,
Libre sous le ciel flamboyant.

ISBN 9782851220554

Gazette n°524
mercredi 2 août 2023
inspirée par
“71, Les communeux”
un Collectif de La Commune
 
La Commune est une histoire d’amitiés.
 
MINOUCHE
 
— Jacques, si on allait becqu’ter “Chez Paulus” ?
— Le bouiboui de la rue du Chat-qui-pèche ?[1]
— Exact. Il paraît qu’il sert toujours des p’tits plats.
En ces temps de disette, en décembre 1870, alors que l’armée prussienne encercle Paris, les habitants de la capitale goûtent à des mets... inhabituels.
— Mon bon Benoît, ça nous fera un bon réveillon. Je paye le pichgru.
— Tope-là !
Voilà les deux compères, en uniforme de Gardes nationaux, partis pour fêter tant bien que mal une fin d’année bouleversée par la guerre.
— Tu as déjà goûté à ce “Chat flanqué de Rats” ?
— J’en ai entendu parler, je peux pas... à cause de Minouche, ma p’tite chatte.
— Tu l’as encore ?
— Nan, elle a disparue y a quinze jours.
Jacques met son bras sur les épaules de son pote, qui, la tête baissée, semble se remémorer quelque souvenir.
— Bah... espérons qu’elle n’a pas trop souffert... la pauv’bête.
Le regard embrumé, Benoît jette un œil suspicieux à son camarade de bataillon.
— Mouaih...
— Ah tiens, voilà Chez Paulus.
Ils entrent dans le bistrot-popotte, tenu par Paulus, surnommé “L’cogneur”[2] à cause de sa réputation de réfractaire à l’ordre et à ses représentants.
— Salut l’cogneur ! Alors, pas d’poulet au menu ?
Le patron, droit comme un piquet planté à l’entrée de son établissement, fait un sourire carnassier aux arrivants.
— Dis, si c’est pour te foutre de ma tronche, tu peux toujours aller tortorer chez ta vioque.
— Marronne pas... j’te charrie. Reste de la place pour l’arrosement ?
Paulus finit par sourire.
— Ouaih gars, juste là, deux places pour vous, les soces.
Le patron les installent en débarrassant la table et un coup de chiffon.
— Alors, ces messieurs veulent dîner j’imagine ?
— Ouaih Paulus... tu proposes quoi ?
— Un délicieux “Émincés de râble de chat sauce prussienne”... rien que pour vous.
— En c’moment, les chats s’font rares, marmonne Benoît, l’air maussade.
Paulus, subreptice, jette un œil à l’autre.
— Y paraît... alors ? C’est parti pour ?
— Fait valser la tambouille, camarade.
Quelques instants plus tard, Paulus revient avec sa grosse soupière blanche décorée de petites fleurs rouge et rose, un litron de rouge, deux verres qui ont dû être transparents, sans oublier deux assiettes ébréchées et les couverts plus ou moins tordus.
— Eh bé ! C’est de la vaisselle princière, l’aminche ! rigole Jacques.
L’artiste culinaire fronce les sourcils.
— Dis, t’en as des tonnes comac pour te poiler ?
— Vas, lâche l’affaire. Tiens, prends un pichet avec nous.
Paulus se laisse amadouer et s’assoit. Bon gars, il prend la louche qui trempe dans le bocal et sert les deux potes.
— Vous allez m’tâter l’greffier.
C’est là que dans l’assiette de Benoît, entre deux cornichons maigrichons et une patte encore griffue, un objet scintille aux lueurs faiblardes des bougies.
Jacques et Paulus se regardent, soudainement gênés.
— C’est quoi c’truc ? questionne Benoît en essayant de prendre l’objet avec sa fourchette.
Il lève un petit morceau de chainette au bout de laquelle il tire une clochette et un morceau de métal sur lequel est inscrit :
“Minouche”.
 
Épinac, le 2 août 2023

[1] La rue existe vraiment, dans le quartier de la Sorbonne du 5ᵉ arrondissement de Paris. La rue fait 26 mètres de long pour 1,80 de large. Le bouiboui en question est d’ordre fictif. NdA
[2] “Cogne” est un synonyme de “Flic”.