Les parents, fut une époque, s’aidaient de ce genre de livres pour compléter, à la maison, les travaux d’écriture et de lecture de leurs enfants. Plus qu’un livre d’exercices, ce livre est illustré à la fois de jolies aquarelles et de petites histoires à caractère “moral”.

EXTRAIT



LE CHEF-D’ŒUVRE DE TOTO



Toto et sa jeune sœur Linette voulaient faire le portrait de leur chien Loulou. L'un devait travailler et l'autre veiller à la bonne tenue du modèle.
Ayant pris un album, une plume et de l’encre, ils installèrent Loulou sur un tabouret, en lui recommandant d’être sage.

Alors Toto prit sa plume à pleine main, la trempa dans l’encre et commença.
Le jeune artiste avait déjà fait quelques traits, qui étaient, disait-il, le nez du toutou, lorsque, son ardeur l’emportant, il plongea trop brusquement la plume dans l’encrier.

Patatras ! voilà tout renversé sur le tapis. Que dira maman ?

ISBN 9791094773208

Gazette n°537
vendredi 1er septembre 2023
inspirée par
“Babebibobu”
de Théodore Lefèvre

Les joies de l’écriture.

LA VICTIME

Il fait presque nuit, le petit Jacopo est à sa table d’étude, dans sa chambrette. Dehors, il y a les bruits de la cité ; coups de klaxons tonitruants, rires éclatants, courses de mobylettes enragées... tout ce qui fait la vie de ces grands ensembles où tous se connaissent et se croisent.
Il a devant lui une pile de feuilles et commence à écrire.
Il se souvient de cet après-midi-là, dans la cour de l’école, ce garçon qui s’est moqué de ses cheveux violets. Pourtant, il ne lui avait rien fait à lui, il était juste là... au mauvais moment, au mauvais endroit sans doute. Et puis, pourquoi lui avait-il tiré ses longues boucles violettes en riant devant tous ses copains qui, dans un ensemble moutonnesque et grégaire, riaient aussi.
Il doit continuer à écrire, alors il le fait, là, sur sa table d’étude.
Et puis, ce mec et ses copains l’avaient insulté, le traitant de “pédale”, et même de “fillette”. Ils devaient bien être cinq ou six contre lui tout seul. Une troupe s’était faite autour d’eux, spectateurs silencieux et mateurs... presque souriants de son infortune.
Déjà trois pages d’écriture. La nuit est tombée et peu à peu, les bruits de la cité s’estompent.
Il ne sait pas comment c’est arrivé, il a senti une force inconnue le submerger, là, dans cette cour, devenue arène. Son poing s’est serré et sans savoir trop ce qu’il faisait, il a fracassé le menton de l’écolier rigolard tandis que son coude, suivant le mouvement, lui a explosé les lèvres.
Pourquoi doit-il écrire ? Il ne sait pas, mais puisqu’il doit le faire, il le fait, s’il doit en passer par là.
Le mec ne rigolait plus du tout. Il était étalé sur le bitume, la gueule en sang et se tenant la mâchoire. Lui, il était là, debout devant l’autre, le regard noir et les dents serrées, quand un surveillant est arrivé et qu’il l’a pris par le col pour le traîner dans le bureau du principal.
Cette fois, il fait totalement noir dans les rues et les allées de la cité, seules quelques lampadaires souffreteux exhalent leurs lumières blafardes.
On lui a fait la leçon, le principal l’a sermonné copieusement, lui reprochant même la couleur de ses boucles. L’autre a été renvoyé chez lui après être passé par l’infirmerie. Ça lui a fait plaisir. On ne l’embêterait plus, et il pourrait passer tranquillement en classe de CM2 l’esprit apaisé... et ce ne sont pas les lignes qu’on lui avait imposées qui le dissuaderait d’être fier de lui.
Il écrivait les dernières lignes : « Je ne dois pas taper mes petits camarades...”

Épinac, le 1er septembre 2023