Une visite particulière de l’Île de Ré, en suivant la gamme des petites histoires racontées et illustrées par l’autrice.

EXTRAIT

“Je vous parle d’un temps
que les moins de vingt ans
ne peuvent pas connaître....



...Grésille le vieux transistor sous le Pont-Neuf pas si neuf. Je me penche vers la personne assise en tailleur pour déposer une pièce dans son bol ébréché. Une main rêche aux longs doigts maigres m’agrippe.
— Moi aussi je peux parler d’un temps passé qui ne reviendra pas...”

ISBN 9791094773895

Gazette n°542
mercredi 13 septembre 2023
inspirée par
“Chroniques en Ré majeur”
Élocin
 
La musique, c’est la vie...
 
DEBUSSY
 
Le soir tombe sur la vieille maison de Lina Jing, au sud-ouest de l’île de Hailing, dans la Mer de Chine.
Phang vient de la quitter... pour toujours et pour la dernière fois. Il a pris ses cliques et ses claques en se sauvant.
Pourtant, elle n’avait fait que de dire sa vérité à cet homme maussade qui ne faisait aucun effort pour la comprendre.
Phang Pong, membre du Parti, aurait dû pourtant le savoir... Jing était de celles que l’on ne dirige pas, que l’on ne peut soumettre. Et l’idée même d’un Parti unique est intolérable à cette “contestataire”, qui ne peut se résoudre à un peuple soumis depuis des siècles.
— Tu finiras mal, ma fille, lui a dit méchamment Phang, en partant.
Il pensait sans doute qu’elle le supplierait de rester, qu’elle accepterait la discipline du Parti. Elle soupire.
Lina, sur la petite terrasse de sa maison, regarde le soleil se noyer dans la mer. Il fait beau encore en ce début d’automne. Les couleurs des arbres sont si douces, et les rayons du soleil s’endormant, ne font pourtant qu’accentuer sa peine.
Elle jette sa cigarette, l’écrase du bout du pied et rentre.
Elle va s’asseoir face au piano, son seul luxe. Celui que lui ont laissé ses parents. Un Steinway qu’elle lustre chaque jour, tendrement, comme pour caresser respectueusement le souvenir de sa mère qui en jouait si bien.
Une larme coule sur sa joue, alors que ses doigts effleurent les touches. Les notes surgissent du silence, Debussy l’a toujours fasciné... et cette “Rêverie” accompagne son extase douloureuse.
Le soleil est parti, et dans l’obscurité naissante, la musique vibre son âme.
Note après note, sa joie refait surface, et tant pis pour cet homme coincé dans ses principes dépassés.
Elle est vivante ! Et son rire éclate à la dernière note, si claire, de son concert privé.
 
Épinac, le 13 septembre 2023