Plaisir d'offrir, joie de recevoir, la flagellation, antique pratique punitive, peut aussi se révéler être un échange érotique particulièrement apprécié de ses amateurs et amatrices.

EXTRAIT



“Le jour où j’entrai dans les jouets animés de la jeune barine, comme je lui étais offerte en présent par ses parents pour sa fête, on m’apporta étendue dans une grande corbeille de fleurs, tenant dans ma main droite un martinet de cuir. On me déposa à ses pieds ; je dus m’agenouiller devant ma jeune maîtresse et baiser la pointe de ses souliers, en signe d’humilité, en lui offrant le martinet, épée de Damoclès suspendue... au-dessus de nos croupes.
Pour m’en faire connaître l’usage sans plus tarder et m’en faire apprécier la saveur, elle me fit trousser par une des grandes filles qui étaient à son service et m’appliqua cinq ou six coups vigoureux dont ma peau ressentit cruellement la cuisson. Je commençai donc de suite à apprécier les douceurs du fouet. Ce n’était cependant qu’un prélude indul-gent ; je m’en aperçus le lendemain.”

ISBN 9782851221186

Imaginaire n°559
lundi 23 octobre 2023
inspirée par
“Délicates chroniques de la flagellation”
Émile Desjardins

Il est des passions délicieusement puissantes.

SHLAG !
 
Avril 1768, Horace Walpole, comte d’Orford reçoit une lettre de son amie, complice de ses turpitudes homosexuelles, Madame du Deffand, marquise du Deffand.
“Un certain comte de Sade, neveu de l’abbé auteur de Pétrarque, rencontra, le mardi de Pâques, une femme grande et bien faite, âgée de trente ans, qui lui demanda l’aumône ; il lui fit beaucoup de questions, lui marqua de l’intérêt, lui proposa de la tirer de sa misère, et de la faire concierge d’une petite maison qu’il a auprès de Paris. Cette femme l’accepta. Il lui dit d’y venir le lendemain matin l’y trouver; elle y fut ; il la conduisit d’abord dans toutes les chambres de la maison, dans tous les coins et recoins, et puis il la mena dans le grenier ; arrivés là, il s’enferma avec elle, lui ordonna de se mettre toute nue ; elle résista à cette proposition, se jeta à ses pieds, lui dit qu’elle était une honnête femme ; il lui montra un pistolet qu’il tira de sa poche, et lui dit d’obéir, ce qu’elle fit sur-le-champ ; alors il lui lia les mains et la fustigea cruellement ; quand elle fut tout en sang, il tira un pot d’onguent de sa poche, en pansa les plaies, et la laissa...”[1]
Horace, horrifié par ce témoignage, laissa choir la missive, qui virevoltant, se posa sur le parquet plus doucement qu’une plume.
Baissant la tête, il remarqua son entrejambe.
“Mon dieu ! Que m’arrive-t-il ?” se mit-il à penser.
Une bosse caractéristique déformait sa culotte[2].
Son imagination s’enflamma. Et soudainement, il repensa au jeune ladre, si beau, à l’air si juvénile ; ses boucles blondes, sauvages, lui avaient donné envie d’en prendre possession par une touffe serrée dans sa poigne. Le comte, s’était alors imaginé le forçant à se mettre à genoux et lui remplir la gorge de son vit.
Mais là... et c’était son émoi grandissant, il découvrit qu’il le voulait nu, enchaîné, sa croupe offerte au fouet et à ses désirs. L’insulter, l’avilir, le traîner plus bas que terre et en faire son jouet, la poupée soumise à ses envies.
Il se jeta à genoux sur le tapis, baissa la tête et pris d’une sainte colère envers lui-même, il récita un “Notre père” à haute voix, le psalmodiant frénétiquement. Il sentait la honte l’envahir jusqu’au tréfond de son âme perverse.
“Il faut que j’expie”, pensa-t-il, en pleurs.
— IL FAUT QUE J’EXPIE CE CRIME ! cria-t-il à l’adresse du ciel.
Il était en proie à la douleur intense d’avoir rencontré la noirceur de ses désirs.
D’abord il voulut châtier ce membre infâme en lui infligeant des coups de poing ; mais rien n’y fit, malgré la douleur, il avait l’impression d’en tirer un profit lubrique.
“Il faut que ce soit le jeune Ethan qui me châtie !”
Cette pensée le rassura, il se convainquit que ce n’était que par ce châtiment infligé par la proie elle-même de ses pulsions qu’il pourrait échapper à la damnation et à la fureur divine.
Il se leva, décidé à demander humblement pardon à sa “victime”. Un nouveau sentiment naissait en lui... quelque chose qui le portait à vouloir être... “la victime” et endurer le plaisir de la souffrance.

***

— Monsieur le comte, votre dos est en sang déjà.
Ethan, fouet en main, bien que comprenant que la survie de l’âme de son maître était en jeu, avait l’air malgré tout presque heureux de le faire ainsi souffrir.
— NON ! Continue jeune Ethan. Cela ne suffit point, puisque mon membre viril, je le sens bien, se rassasie de cette fustigation. Je sais maintenant ce que j’aime au plus profond de moi : souffrir de plaisir.
Ethan, rougissant, s’approcha de l’oreille du comte.
— Mais moi aussi, je commence à sentir ce plaisir que j’ai de vous marquer ainsi.
Horace, comprenant alors le vrai dessein de son destin, sourit au jeune ange.
— Quel délice, n’est-ce pas, que cette flagellation, Ethan... mon amour ?
Reprenant le fouet bien en main, le jeune homme fit claquer le stimulant de leur passion sur le dos meurtri mais apaisé de son amant.
— Oui mon chéri, tu peux le dire, c’est divinement délicieux !
SHLAG !

nota bene : Si le comte Horace Walpole a bien existé, et reçu cette lettre en tant qu’ami homosexuel de Madame du Deffand ; cet épisode reste une fiction.

[1] Extrait de la lettre du mardi 12 avril 1768. (“Lettres de la marquise Du Deffand à Horace Walpole, depuis comte d’Orford”, tome premier, pages 224, 225. Treuttel et Würtz éd., Paris 1812).
[2] Ancêtre du “pantalon”, tel qu’on le connaît aujourd’hui, la culotte est portée essentiellement par l’aristocratie de l’époque.