Plus qu’un “Journal de guerre” — écrit au jour même — ce livre raconte l’histoire d’un jeune homme dont la jeunesse est bouleversée par cette guerre ignoble. Périple historique de 1939 à 1945, de Paris à Saint-Désert, en bourgogne, puis de Saint-Désert à Berlin avant le dernier retour... survivant de la barbarie.

EXTRAIT

“Simple histoire vécue sans prétention littéraire ; pour vous dire ce qu’il arrive entre 17 et 23 ans lorsque l’on est pris dans la furie d’une guerre sans merci, qui casse votre jeunesse, et pour message je vous crie :
PLUS JAMAIS ÇA”

ISBN 9791094773550

Imaginaire n°560
mercredi 25 octobre 2023
inspirée par
“Dernier été à Saint Désert”
de Claude Gohin
 
L’Histoire est un bégaiement.
 
D’UN ÉTÉ L'AUTRE
 
Saint-Désert en ce merveilleux été 1914. Il fait très beau, le village se réveille.
Antoine, qui travaille au Ministère de l’intérieur, sous les ordres directs du ministre René Viviani, est en vacances avec son épouse, Yvette. Sans leur grand fils, retenu à Paris après son concours d’entrée à HEC. Ils profitent de leur maison de campagne, tout en haut de l’avenue de Bourgogne.
Prenant leur petit déjeuner sur la grande terrasse, face au Mont Avril[1], ils sont interrompus par l’arrivée inopinée d’un gendarme à cyclomoteur.
Antoine se lève d’un coup, surpris par cette rarissime visite. Il descend à la rencontre du commissionnaire.
— Qu’y a-t-il gendarme ?
L’autre a l’air effaré, sous la tension de la nouvelle qu’il doit délivrer au chef de cabinet du ministre Viviani.
— Il faut que vous rentriez im-mé-dia-te-ment à Paris. Les évènements, suite à l’assassinat de l’archiduc à Sarajevo, ont dégénérés.
Il a détaché les syllabes du mot “immédiatement” sur un ton si dramatique, qu’Antoine ne peut que s’exécuter à l’instant.
— Yvette chérie, je dois partir tout de suite à Paris.
Yvette, l’habitude aidant ; son mari étant là où il est dans l’organigramme du gouvernement ; ne peut que lui sourire, confiante.
— Oui mon chéri. Ne t’inquiète pas... faut-il que je te rejoigne ?
Un moment de réflexion après.
— Non, reste ici. De toute façon, je crains de ne pas être très disponible les jours, voire les mois à venir.
— C’est si grave ? demande-t-elle, cette fois inquiète.
Antoine se retourne vers le messager, le regard interrogateur.
— Oui, Monsieur le Chef de Cabinet, d’ailleurs, le député Jaurès a été assassiné vendredi. Et nous sommes en guerre depuis hier. La mobilisation générale est décrétée.
Antoine, même s’il est au fait de ce qu’il s’est passé depuis bien années ; les escarmouches germano-française à la frontière ou les évènements du Maroc ; là, il accuse le coup.
— La guerre ? il est effaré.
— Oui, Monsieur... la guerre, répond, presque las, le gendarme.
— Bien, transmettez, dès votre retour à Chalon, que je fais mes valises à l’instant, je serai à Paris dans l’après-midi.
— Bien, Monsieur le minis... pardon... Monsieur le Chef de Cabinet.
Antoine Fardeau ne s’en offusque pas, mais il réprime un sourire ; la situation n’autorise pas la gaité. Il comprend la méprise du fonctionnaire ému.
Le motocycliste repart, tandis qu’Antoine va faire ses valises.
Il redescend quelques minutes plus tard, se précipite sur sa De Dion-Bouton V8, enclenche la manivelle pour démarrer le moteur, et prend le volant, après avoir salué Yvette le regardant, avec appréhension, partir pour faire son devoir.

***

Saint-Désert en ce merveilleux été 1940. Il fait chaud et si beau. Pourtant la guerre en cours sur le territoire national, contraste avec ce temps si clément.
Georges Fardeau vient d’écouter à la TSF le chef du Gouvernement, le maréchal Pétain. À l’heure du déjeuner : “Il faut cesser le combat...” La phrase résonne comme une litanie triste, désespérante, dans son esprit.
Il est pourtant là, devant la sépulture de son père :
“Antoine Fardeau, 4 août 1863 (Boulogne-Billancourt) - 2 juillet 1914 (Saint-Désert)”
Une roue de voiture, tordue, sur le côté.

[1] Qui culmine à... 421 mètres.