Imaginaire n°564
vendredi 3 novembre 2023
inspirée par
“Dictionnaire de patois d’Épinac”
sous la direction de Jean-Marie Deville
Les pieds nickelés patoisant.
LE GROS GOGOL
Sud-ouest de l’hexagone, à flanc de montagne, un paysage bucolique et le village de Santhé-la-Perlouze... il s’en passe des choses bizarres.
Des malfrats sont à l’œuvre dans la salle des coffres de la CUCU (Coopérative Urbaine de Crédit Usuel, NdA).
— Paulo, tu m’défince ce coffre, tu vos bien, et tossuite !
— Okay okay, j’otteinds que le fringin me posse le bourin, Léo.
Léo est furax, ils perdent du temps, et il reste encore une centaine de coffre à ouvrir, et au burin... ça prend du temps. Mais ce coffre-là l’intéresse plus que les autres apparemment.
— Tu t’maignes Raoul, Paulo à bisain du bourin ! Et ton toutin... tu pio pas l’faire se tare ! Y nous casse les orayes.
Le toutou en question, c’est Max, un Beagle-harrier de deux ans, très joueur et assez bruyant.
— Max ! Ta guole, tu vas nous faire raipérer si to quintinon.
Max regarde son maître en penchant la tête de côté comme pour essayer de comprendre ce qu’il lui dit. Puis, il repart en quête d’un jouet.
— Ailors, tu m’posse l’bourin, Raoul ?
— Ouaip, ouaip, tains lo vailo... ameuse to bain.
— Si to crais qu’jo m’ameuse.
— Faites pais chiorai les fringins.
Raoul et Paulo regardent un rien craintifs leur chef de bande. Léo traîne une sale réputation de mec sérieusement casse-couilles, et un brin nerveux du couteau.
— Pairon chef, disent-ils en baissant la tête.
Humblement, comme des petits garçons qui se repentent, ils reprennent le travail.
— Yo ! Railoquez le toutim, les fringins !
Paulo vient de défoncer la porte du coffre indiqué par Léo, il est rempli de bijou, de pierres précieuses et de quelques lingots d’or.
Même le chien semble comprendre qu’ils viennent de faire une bonne pioche, il est tout frétillant et se remet à aboyer joyeusement parmi les cailloux brillants sur le sol.
— Paintin... mais fos l’tare ton toutin, Raoul, il no braise les cailles.
Raoul, agacé d’être rabroué sans cesse par le chef, donne un coup de tatane au clebs qui s’amusait pourtant si bien avec ces petits trucs tombés par terre.
— Max ! Caisse to d’lo.
Léo, lui, farfouille par terre dans le fatras des pierreries, comme s’il était à la recherche de quelque chose de précis.
— To chairache quoi, Léo ?
— Bordelote, un greuvre coille.
— Comment ça, un “greuve coille” ? To saivar c’qo avair dans l’caiffre ?
Léo se relève et prend Raoul à la gorge en le coinçant contre l’armoire des coffres.
— T’avoise pas d’mo railer, sinon j’te chinte lo gourringe.
Léon a sorti un couteau et le sert contre la gorge de Raoul qui, lui, commence à suer à grosses gouttes.
— J’vo po t’railer, Léo, c’est po dans mes rintinches. J’t’assaire.
Paulo interrompt la confrontation et pointe Max du bout du doigt.
— Raig’ ! Y a Max qu’à l’or baizirre.
En effet, le chien a vraiment l’air bizarre, comme s’il avait avalé quelque chose qui n’est pas fait pour ça.
Léo, toujours le couteau sur la gorge de son acolyte, a tourné la tête vers le clebs.
Se ravisant, il veut se jeter sur Max.
— L’toutin, vins lo ! J’vosse t’avrir en deux. C’est to qu’a baiffer le coille.
Malheureusement, en voulant se jeter sur le chien, la tête de Léo s’explose contre un coin de l’armoire, lui fendant le crâne.
Dans le même temps, la porte de la salle des coffres s’ouvre d’un coup devant les gendarmes en arme.
— Mains en l’air mes gaillards, s’écrie le capitaine Jean-Luc Pitard, alors, on était en train de barboter les fameux bijoux de la Comtesse Rastapoulos ?... et notamment le joyau plus connu sous le nom de “Gros Gogol” !
On passe les menottes aux malfaiteurs, tandis que profitant du chaos, Max, apeuré, passe entre les jambes des pandores et s’enfuit en aboyant joyeusement.
***
Petite annonce parue dans “La dépêche du dîner” :
“Cherche chien de race Beagle-harrier de deux ans, très joueur et assez bruyant, répondant au nom de “Max”. On offre forte récompense. S’adresser à Monsieur Henri-Vincent des Glucides, juge d’instruction à Bannière-de-Bigorneaux.”