Texte essentiel pour comprendre la négation de l’idée de divinité toute puissante. Sébastien Faure, intellectuel anarchiste de grand talent, propose ici la déconstruction de cette fiction monothéiste.

EXTRAIT

“Camarades, il y a deux façons d’étudier et de tenter de résoudre le problème de l’inexistence de Dieu. La première consiste à éliminer l’hypothèse Dieu du champ des conjectures plausibles ou nécessaires par une explication claire et précise par l’exposé d’un système positif de l’Univers, de ses origines, de ses développements successifs, de ses fins. Cet exposé rendrait inutile l’idée de Dieu et détruirait par avance tout l’échafaudage métaphysique sur lequel les philosophes spiritualistes et les théologiens la font reposer. Or, dans l’état actuel des connaissances humaines, si l’on s’en tient, comme il sied, à ce qui est démontré ou démontrable, vérifié ou vérifiable, cette explication manque, ce système positif de l’Univers fait défaut.”

ISBN 9791094773161

Imaginaire n°565
lundi 6 novembre 2023
inspirée par
“Douze preuves de l'inexistence de dieu”
de Sébastien Faure
 
Le tout c’est de bien comprendre.
 
LA PAROUSIE[1]
 
Monastère de Saint-Benoît, sur les hauteurs de Thavinhal dans l’État du Kerala, en Inde.
Le monastère, situé à l’écart de l’ancienne province de Pondichéry à l’ouest des Indes françaises, y est installé depuis la première moitié du XVIIIe siècle, à la suite d’André Mollandin, représentant de la Compagnie française des Indes orientales.
Depuis le départ des français de leur possession indienne à Mahé, en 1954, le Monastère a tenu son rôle de bienfaiteur, et reste très bien intégré à la population locale.
Après le dîner, pris en commun dans leur réfectoire, les moines retournent dans leur cellule afin de prier.
Hubert, moine depuis quelques années, est installé au dernier étage de la haute tour du monastère. Une petite chambre avec sa toute petite fenêtre donnant sur les crêtes de la Sahyadrī.
Après ses longues prières, Hubert, fait sa petite toilette dans le bac réservé à cet effet, dans un coin de sa cellule.
La parole de frère Matthieu, lisant une lettre de saint Jacques Apôtre, durant leur collation du soir, lui revient en mémoire :
“Soyez donc patients, frères et sœurs, jusqu’au retour du Seigneur. Voyez le cultivateur : il attend le précieux fruit de la terre en faisant preuve de patience envers lui jusqu’à ce qu’il ait reçu les premières et les dernières pluies. Vous aussi, soyez patients, affermissez votre cœur, car le retour du Seigneur est proche.”
“Quand reviendra notre seigneur ?”, silencieusement, il se pose cette question. Une question qui le taraude depuis le séminaire, lorsqu’il souhaitait devenir prêtre.
C’est à cet instant même, alors que la nuit est tombée depuis des heures, que sa chambrette est soudainement emplie de lumière.
Une lumière forcément surnaturelle, chaude et rassurante.
Hubert, nullement apeuré, est empli de joie.
“Mon seigneur !” est la seule phrase qui traverse son esprit.
Une voix grave résonne alors dans toute l’atmosphère, pas uniquement dans sa tête, ce qui le rassure, bien sûr, sur l’état de sa santé mentale.
“Je ne suis pas fou !” sourit-il.
La voix lui parle :
— Mimi ni mungu wako, utakwenda Bethlehemu, na huko ambapo wa kwanza wangu alizaliwa, utapokea amri zangu.
À entendre cela, il ne peut qu’être surpris... il ne comprend pas la langue.
— Pardon seigneur d’oser te parler... je ne comprends pas ton message.
Un grondement sourd lui répond, comme un lointain tonnerre.
“Comment le lui dire ?” pense-t-il.
La voix se refait entendre, alors que des pas bruissent par tous les couloirs du monastère.
— Es esmu tavs dievs, tu dosies uz Betlēmi, un tur, kur piedzima mans pirmdzimtais, tu saņemsi Manus baušļus.
La déception se lit sur son visage... il ne comprend toujours pas ce que veut lui dire la voix. Mais il n’ose pas demander pourquoi il ne comprend pas.
La voix reprend :
— Es esmu tavs dievs, tu dosies uz BETLĒMI, un tur, kur piedzima mans pirmdzimtais, tu saņemsi Manus baušļus !!!
Le ton est un peu plus marqué et un mot, plus appuyé que les autres, se démarque.
— Parles-tu de Bethléem ? se permet-il.
Un éclair zèbre le ciel noir. Dans les couloirs de cette sainte retraite, c’est l’affolement.
— Jien alla tiegħek, INT SE TMUR BETLEHEM, u hemmhekk fejn twieled l-ewwel tiegħi, tirċievi l-kmandamenti tiegħi.
“Pourquoi dieu me parle en des langues qui me sont inconnues ?” se questionne-t-il en lui-même.
Il baisse la tête, consterné... dieu lui parle et il ne comprend pas ! Qu’a-t-il bien pu faire de mal pour être ainsi puni ? Il en est presque à penser cela.
Il se souvient alors de ce qu’écrivait Paul :
“En effet, celui qui parle en langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu, car personne ne le comprend, et c’est en esprit qu'il dit des mystères.”
La voix, cette fois encore plus forte, voire un rien énervée, dit :
— Eu son o teu deus, irás a Belén, e alí onde naceu o meu primeiro, recibirás os meus mandamentos.
Hubert commence à comprendre, alors que la clameur affolée de prières repentantes de ses frères, monte à lui de tous les étages et pièces du monastère.
“Je sais bien, maintenant... c’est ici une supercherie !” se dit-il, “dieu ne saurait me parler en d’autres langues, car à mon esprit il s’adresserait, et non à mon oreille.”
La foudre cette fois s’abat sur la vallée, faisant redoubler les repentances psalmodiées des moines.
— Quand bien même détruirais-tu tout ce pays en bas, tu n’es pas dieu ! crie-t-il par la fenêtre qu’il vient d’ouvrir.
C’est à ce moment-là qu’il entraperçoit comme un engin, volant au-dessus de la vallée. Un engin qu’il ne peut identifier.
Le silence retombe, quand l’engin mystérieux disparait dans le firmament, il perçoit alors ; cette fois dans sa langue :
— Commandant Christ, les humains ne sont pas aussi cons que ça... faudra trouver autre chose que le truc d’il y a deux mille ans !
 
nb : le message entendu était, dans l’ordre, en Swahili, Letton, Maltais et Galicien.

[1] La “seconde venue” du Christ sur la Terre.