Certainement le plus célèbre article de presse de tous les temps, et en tout cas le plus exceptionnel de tous. Un devoir d'humanité dont Zola s'est acquitté avec sa conscience d'être humain.

EXTRAIT

“[...] En portant ces accusations, je n’ignore pas que je me mets sous le coup des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c’est volontairement que je m’expose.
Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.
Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour !
J’attends.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l’assurance de mon profond respect.”

ISBN 9782851221353

Imaginaire n°587
mercredi 27 décembre 2023
inspirée par
“J’accuse, ou la conscience humaine”
Émile Zola
 
Certains lieux sont propices au calme du temps.
 
UNE NUIT EN PAIX
 
Cimetière de Montmartre, le 27 juillet 1980, il est plus de deux heures du matin. Patrick, jeune homme curieux s’est laissé enfermer en ce lieu de mémoire. Sans doute par romantisme, mais certainement pour ressentir des sensations que le monde extérieur ne peut offrir : la présence de l’au-delà. Il a vaqué des heures dans les allées, passant d’une tombe à l’autre, paisiblement.
Soudainement, à la lueur de la pleine lune de cette chaude nuit, un buste lui apparaît. Étrange apparition qui le domine de sa hauteur. Le buste en bronze, figure hiératique imposante, a vieilli. Mais son regard profond, inspiré, donne des frissons à Patrick.
Subjugué par cette image, il s’assoit sur la tombe surplombée par la sculpture. Il cherche dans sa poche. Sort un paquet de Gauloises, le regard toujours tourné vers ce spectre rassurant.
La clope au bec, il l’allume. Baisse la tête pour ranger le briquet, et quand il la relève, c’est pour s’apercevoir que les yeux du buste brillent.
Cette vision surnaturelle l’envoûte. Le regard fixé sur le phénomène, il s’aperçoit qu’il n’a aucune peur ; c’est presque l’inverse. Il se sent protégé.
Il tire sur sa cibiche. S’allonge sur le marbre, les yeux grands ouverts face à la Lune, astre protecteur. C’est en tout cas le sentiment qui habite Patrick à cet instant précis.
Le silence est légèrement rompu par un bruit d’ailes. Un oiseau se pose sur le haut du monument funéraire. En majesté, il domine Patrick allongé. Ils sont en paix l’un et l’autre.
Le calme de la pénombre se réinstalle. L’oiseau de nuit, comme le visiteur étendu, n’ont d’yeux que pour le luminaire céleste, cercle mystérieux qui semble les couvrir de sa lueur rassurante.
Finissant sa cigarette, Patrick ferme les paupières, se laissant bercer par ce moment hors du monde, ou en tout cas celui des vivants.
C’est quelques heures plus tard, alors que le soleil a pris la place de la lune, qu’il rouvre les yeux. Saisit par la lumière, il se les frotte, se réhabitue à la luminosité diurne et s’assoit.
Il tourne la tête vers le buste qui veilla sur son sommeil serein, lui sourit.
— Merci...
Il regarde le nom qu’il n’avait pas vu sur la tombe.
— ...Émile Zola ![1]

[1] La tombe de Montmartre n’est qu’un cénotaphe depuis que le corps de l’illustre journaliste et écrivain fut transféré au Panthéon le 4 juin 1908.