Lors d’une rencontre à trois dans une salle des ventes, ce n’est pas que la glace que l’on peut briser.

EXTRAIT

“[...]
— Ah, c’est vous qu’elle regardait ! s’exclama-t-il. Dommage, vous avez tout gâché.
Un comble ! me dis-je. Alors qu’il vient de m’évincer !
Pourtant je me contentai de répondre :
— Drôle d’embrouille !
Il me sourit d’un air entendu.
— Et très ambigüe l’embrouille, n’est-ce pas ?
Et, disant, il me regardait de si étrange façon, qu’il me sembla… mais non… je divague…
D’ailleurs, il s’inclinait déjà devant moi en une révérence charmante et, rejetant sa mèche de façon désinvolte, il quitta la salle.
Je crois que c’est là, pour la première fois, que j’ai rejeté en arrière une mèche imaginaire.”

ISBN 9782851220509

Imaginaire n°596
mercredi 17 janvier 2024
inspirée par
“L’homme à la mèche”
d’Yvonne Ernoux
 
Ou l’histoire d’un allumé avec une mèche orange.
 
LE PRÉSIDENT ET WHITE
 
Bureau ovale... Maison Blanche.
Donald Trump, réélu, s’assoit comme une masse sur le fauteuil présidentielle à roulettes. Il a l’air complètement exténué. Son plus proche conseiller, le chien qu’il a appelé White, à ses pieds.
— Bordel de merde, je suis claqué ! dit-il en baissant la tête pour mieux voir la réaction de White.
Le chien s’assoit sur son postérieur.
— Je te l’avais bien dit aussi, Don’, lui répond le toutou avec un sourire narquois.
— J’avais oublié combien ces connards avec leur Bible à la con me font chier. Je me taperais bien une chatte... t’as vu la secrétaire, là juste de l’autre côté de cette porte ?
White a un sourire mi-amusé, mi-désabusé... il aurait tellement aimé avoir un maître avec un cerveau au lieu d’une paire de couilles dans le crâne.
— Tu sais, moi, les femelles humaines.
Donald Trump tourne la tête vers la porte. Il a l’air de faire un effort intellectuel.
Soudainement, il s’écarte violemment en poussant son fauteuil à roulettes en arrière. Il écarte les jambes et regarde son entrecuisse souillé.
— Putain ! J’ai joui dans mon froc.
White lève les yeux au ciel, consterné, tandis que le président le prend comme témoin, en le regardant fixement.
— Vraiment, tu comprends que dalle à l’amour toi, t’es vraiment qu’un clebs.
Le chien a une envie folle de lui sauter à la gorge pour la déchirer à pleines dents, voir le sang couler et se répandre dans ce lieu sacré pour tant d’américains.
— Je ne suis qu’un chien... blanc de surcroit.
— Ne cherche pas d’excuse, sinon je te fais faire repeindre en noir.
— Chiche !
Donald Trump qui ne s’attendait pas à une réponse du genre, pose ses index sur ses tempes. Il fait manifestement un effort intense pour se concentrer et comprendre ses pensées, qui pour la plupart, à ce moment-là, lui “imposent” des images pornographiques avec la secrétaire.
La seule chose qu’il voit, en essayant de comprendre le défi que vient de lui faire son animal de compagnie (“Chiche”)... c’est la secrétaire de l’autre côté de la porte, à quatre pattes sous son bureau, toute noire et les fesses offertes.
— C’est toi, White, qui m’envoie contre mon gré, ces pensées contre-nature !
Le chien, littéralement abasourdi par cette accusation grotesque, le regarde avec commisération.
— Encore un complot ?
— Oui ! Et si c’est pas toi, ça doit être elle... ça peut pas être moi.
— C’est vrai que question pensées, c’est pas ton fort, Don’.
Le président, alors qu’il est à demi levé pour aller virer (“You’re fired !”[1]) la secrétaire qui lui envoie ces images pornographiques. Il stoppe son mouvement en cours.
Une nouvelle fois, en fermant les yeux, il se con-centre. Son front devient purpurin, les doigts crispés sur le dossier du fauteuil présidentiel. En un éclair, comme si un dieu lui avait parlé pour lui donner la réponse adéquate, il relève la tête, les yeux illuminés de grâce. Puis il se retourne vers White...
— Toi même ! lâche-t-il, radieux.

[1] Sa phrase fétiche lorsqu’il animait son émission de “téléréalité” The apprentice.