Trois discours du grand Victor Hugo ; deux sur le droit d’auteur et un sur la liberté de la presse. Trois discours essentiels et incontournables pour comprendre la pensée hugolienne de l’universalité de la culture.

EXTRAIT

“[...] Je déclare, que s’il me fallait choisir entre le droit de l’écrivain et le droit du domaine public, je choisirais le droit du domaine public. Avant tout, nous sommes des hommes de dévouement et de sacrifice. Nous devons travailler pour tous avant de travailler pour nous.”

ISBN 9791094773277

Imaginaire n°597
vendredi 19 janvier 2024
inspirée par
“L’ignorance est un crépuscule”
de Victor Hugo
 
Il y a des questions comme ça qui se posent encore aujourd’hui.
 
LE TEMPS DE CUISSON
 
Prison de Tecalpah, province de Katmapoum, dans le sud de la principauté du Pinel. Là où les hautes montagnes de l’Averell montent jusqu’au ciel.
En ce beau jour du mois de prout, il fait chaud, un négle vole à la recherche d’une proie, un petit pule ou une musetique.
Dans la prison c’est l’effervescence. Tecalpah est connue pour être un centre de renseignements.
Et un dangereux délinquant vient d’y être amené.
— Allez me chercher le prévenu.
— Lequel chef ?
Jean-Étienne Bouillondufroid, le responsable du lieu de rétention se fâche à moitié, gardant l’autre moitié au chaud pour plus tard.
— D’après vous... combien de prévenus sont arrivés aujourd’hui ?
Étienne-André-Marc Lelaitsurlefeu, le subordonné, se gratte la tête.
— Euuuh... y en a deux !
— Comment ça ? Deux ?
Jean-Étienne se penche sur le registre des “nouveaux et intéressants” du jour. Il prend le cahier et d’un doigt agité et responsable, montre la ligne.
— Vous voyez bien, sergent Lelaitsurlefeu... il n’y en a qu’un seul, le sieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin.
— Oui, chef... mais il est schizophrène ! Et donc par conséquent, si je puis me permettre, un coup on a le Monsieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin... et juste après l’autre. Et même quelquefois, mais rarement... les deux ensembles !
— Et l’autre ?
— Quoi l’autre ?
— Quelle est son identité !... il faut que je rédige un rapport, que les autorités compétentes soient au courant. La consigne c’est la consigne, sinon c’est le... pardonnez-moi le terme, cher subordonné... le merdier !
— Il ne s’est pas présenté... il boude.
— Ah ? Embêtant.
— Je vous le fait pas dire.
— Ben non.
— Quoi “ben non” ?
— C’est moi qui le dis... donc vous ne me l’avez pas dit.
Le sergent Lelaitsurlefeu, comme à son habitude, se gratte la tête.
— Oui... oui... c’est c’la !
— Alors allez me le chercher !
— Qui ?
Bouillondufroid essaye de garder son calme, laissant son ire dans sa poche revolver.
— Les deux prévenus, sergent. On fera le tri après.

***

Monsieur de Tagadatsointsoin est menotté debout au radiateur, selon la coutume. Évidemment, étant donné sa haute taille, deux mètres et vingt-centimètres quatre-vingt-quinze un quart, il est penché.
— Alors, tu vas me le dire ou pas, espèce de délinquant !
— Mais puisque je vous répète que je suis cuisinier au restaurant “La bonne bouffe comme chez soi mais en mieux” depuis cinquante ans.
— Vous ne faites pas votre âge.
— Ben non.
— Quoi “ben non” ?
— C’est pas moi qui les aie fait... je ne fais que les porter.
— On dit ça, on dit ça...
L’interrogateur, Bouillondufroid, sent que l’autre essaye de le manipuler par des contorsions rhétoriques un rien foutagedegueulitude.
— Vous ne voulez pas le dire alors ?
— Mais quoi... je ne connais que la recette du blénorage mirontonton aux prunelles.
— Ce n’est pas ça la question !
— Laquelle alors ?
Bouillondufroid se gratte la tête. Le sergent Lelaitsurlefeu le regarde, étonné.
— Vous aussi ?
— Quoi “Vous aussi ?”
— Vous avez une idée derrière la tête.
— Zuuut... vous pourriez regarder ce que c’est ?
— Y a plus rien...
— Ce devait être une idée fugace. Bref... alors tu vas parler oui ?
— De quoi ?
— Gnnnnnnnn
Le sergent Lelaitsurlefeu, amicalement, pose une main sur l’épaule de son supérieur hiérarchique.
— Allons, allons capitaine Bouillondufroid.
— J’en peux plus... j’en peux plus vraiment.
— Oui ? dit d’une petite voix, le prévenu.
Le capitaine se retourne.
— Qu’est-ce qu’il me veut çui là ?
— Ben... Jean Peuplusvraiment, c’est mon nom, celui de mon autre.
— Vous seriez Monsieur Antoine-Alexandre-Pierre de Tagadatsointsoin et de Jean Peuplusvraiment, le célèbre explorateur ?
— Enchanté... vous êtes ? le prévenu tendant son autre main.
— Jean-Étienne Bouillondufroid !
— Ah bien... et maintenant que nous nous connaissons, quelle est votre question ?
— Le temps de cuisson exact des œufs durs.
— Effectivement, c’est une vaste question... et comme le disait quelqu’un d’autre dont je ne me rappelle plus le nom donc je n’ai aucune raison de le taire, mais c’était quelqu’un de bien ça c’est sûr : “L’ignorance est un crépuscule” !
Le capitaine est tout ouïe, prêt à enfin savoir.
Doctement, le prévenu répond.
— C’est une bonne question, et je vous remercie de me l’avoir posée... eh bien...
— Oui ? dit Bouillondufroid, les yeux grands ouverts au lieu des oreilles.
— Je ne sais pas.