“Au 25e siècle l’humanité devra faire face à un danger sans précédent. Une comète, bien plus grande que la Terre, risque d’entrer en collision avec notre chère petite planète bleue. La fin de l’humanité est inévitable ; mais a-t-elle été un jour évitable. L’homme ne vivra pas éternellement de toute façon. Tout ceci entraînera un large débat sur la fin du monde : quelles conséquences aura cette comète et si la catastrophe est évitée, qu’est-ce qui attend l’humanité. Même les astronomes de la ville équatoriale de Mars préviennent les Terriens du danger imminent en envoyant un message sous forme d’image.”

EXTRAIT

“La veille, le dimanche, tout Paris, répandu par les boulevards et les places publiques, aurait pu être vu de la nacelle d’un ballon, marchant lentement et comme désespéré, ne s’intéressant plus à rien au monde. Les joyeux aéronefs ne sillonnaient plus l’espace avec leur vivacité habituelle. Les aéroplanes, les aviateurs, les poissons aériens, les oiseaux mécaniques, les hélicoptères électriques, les machines volantes, tout s’était ralenti, presque arrêté. Les gares aéronautiques élevées au sommet des tours et des édifices étaient vides et solitaires. La vie humaine semblait suspendue dans son cours. L’inquiétude était peinte sur tous les visages. On s’abordait sans se connaître. Et toujours la même question sortait des lèvres pâlies et tremblantes : « C’est donc vrai !… » La plus effroyable épidémie aurait moins terrifié les cœurs que la prédiction astronomique si universellement commentée ; elle aurait fait moins de victimes, car déjà la mortalité commençait à croître par une cause inconnue. À tout moment, chacun se sentait traversé d’un électrique frisson de terreur. Quelques-uns, voulant paraître plus énergiques, moins alarmés, jetaient parfois une note de doute ou même d’espérance : « On peut se tromper », ou bien : « Elle passera à côté », ou encore « Ça ne sera rien, on en sera quitte pour la peur », ou quelques autres palliatifs du même ordre. ”

ISBN 9782851220233

Imaginaire n°604
lundi 5 février 2024
inspirée par
“La fin du monde”
de Camille Flammarion
 
Le temps est une chose fragile.
 
SINISTRE CAMPAGNE
 
— Mon Empereur, que fait-on ?
Sur la plaine, le général se demande comment se sortir de la situation.
— On attend toujours son arrivée, et puis les anglais ont assez de problèmes comme ça pour ne pas être un trop grand danger.
— Oui, mais... les prussiens ?
L’Empereur reste coi quelques instants. Il se retourne vers son aide de camp.
— Qu’importe... vous allez voir, grâce à l’arrivée de cette aide, la situation va se renverser.
L’aide de camp est lui, assez dubitatif... moins confiant que son maître.
C’est à cet instant précis que le ciel qui était gris jusqu’alors, s’éclaircit... un soleil flamboyant trou la couche nuageuse, et un engin de métal apparaît dans le ciel. On dirait une grosse poêle à frire, sans le manche, ou plus simplement, une soucoupe, volante ! Mais en métal qui brille de mille feux.
L’aide de camp est tellement effrayé qu’il se précipite sous une table en tremblant, alors que l’Empereur, fidèle à sa réputation, ne bouge pas un orteil. Il regarde l’engin avec circonspection.
— Sire... qu’est-ce que c’est ? Le diable ou les anglais ?
L’Empereur sourit ironiquement en regardant son aide de camp d’un œil compréhensif.
— Peut-être les deux, général.
L’engin s’immobilise juste au-dessus du camp anglo-prussien, lorsque le général de Flahaut sort de dessous la table pour être à la hauteur de l’exemple que donne l’Empereur.
— Mais comment tient-il en l’air, Sire ? Je ne vois aucun fil, ni chaine...
— Un miracle à la Montgolfier, général... espérons qu’il n’est point du camp adverse, car toute ma science militaire ne saurait vaincre un tel ennemi.
— Pourtant, regardez, les armes des Romanov sur le côté de l’engin... vous pensez que c’est le Tsar Alexandre qui a décidé de rejoindre la coalition ?
— Peu de chance, le freluquet est un couard !
Depuis l’affaire du Duc d’Enghien, l’Empereur est en délicatesse avec le Tsar. Mais l’aigle à deux têtes, surmonté de la couronne ; même si le dessin diffère de ce qu’il connaît, est évidemment russe.
— Que fait-on alors, Sire ?
— Attendons, de toute façon, il est évident que nous ne sommes pas de taille face à cette... chose.
Un rayon lumineux vertical s’abat sur la tente des chefs adverses. Des tirs de fusil se font entendre, et une clameur effrayée les accompagnent.
— Oh !
Cette fois Charles de Flahaut est, certes étonné, mais avec un sentiment de joie et de reconnaissance envers cet objet volant non identifiable.
— Eh bien, voyez-vous général, je crois que nous avons un allié.
— Vous pensez, Sire ?
Napoléon 1er a son air bonhomme.
— En tout cas, c’est moins inquiétant.
Au bout de longues minutes, rien ne se passe, les coups de feu se sont tus, un silence de mort couvre la plaine auparavant dans le chaos de la bataille.
Soudainement le rayon réapparaît, suivi de coups de feu et de cris de terreur qui se répercutent jusqu’aux oreilles du camp français. Ce camp qui passe alors de l’angoisse à l’espoir.
— Eh bien, ces hurlements sont agréables à ouïr, général.
Ce dernier regarde son Empereur avec reconnaissance et une confiance totalement retrouvée. Mais la grosse soucoupe s’envole alors à la verticale avec une vitesse prodigieuse. Elle est toute petite, très haut dans le ciel ; quand une sorte de boule oblongue, un peu comme ces nouvelles pilules inventées depuis peu, tombe, lâchée par l’engin.
La chose grossit à force de se rapprocher du sol, et c’est à cet instant-là que l’Empereur et son aide de camp s’aperçoivent que l’objet se dirige tout droit vers eux.
— Eh bien, général, je crains que cela n’augure rien de bon.
Pourtant, en un instant, un autre engin apparaît cette fois juste au-dessus du camp de Napoléon, mais celui-ci a les couleurs du drapeau des républicains américains... même si le nombre d’étoiles sur fond bleu semble bien plus important.
Le général de Flahaut, cette fois ne bouge pas, mais n’en tremble pas moins.
— Il ne manquait plus que ça, Sire !
— J’ai la désagréable impression qu’on nous ignore d’une sainte condescendance, général... et ça ne me plaît guère, je ne suis pas un petit soldat de plomb de Strasbourg !
Ne pouvant rien faire, les deux camps ennemis sur terre regardent les deux camps ennemis dans le ciel.
Un rayon bleu vise le premier engin, suivi d’une explosion gigantesque et une riposte immédiate.
Des débris métalliques tombent çà et là.
Ce sont les habitants de Bruxelles, à une vingtaine de kilomètres au nord qui seront les témoins de cette “fin du monde venue de l’au-delà”, comme l’écrira le lendemain dans le “Journal des débats” le journaliste, ancien préfet de l’Empereur rallié aux Bourbons, Joseph Fiévée.
En effet une explosion d’une puissance infernale fait exploser toutes les fenêtres de la capitale belge, puis une sorte d’énorme nuage méphitique, rouge, jaune, orange, en forme de champignon s’élève ; enfin, une bourrasque diabolique répand la peur et la misère partout, depuis le champ de bataille de Waterloo.