“Le Corbeau”, c’est plus qu’un poème, c’est une sorte de conte, mélancolique et fantastique où l’étrange côtoie la nostalgie d’un amour perdu. Cette œuvre est certainement l’un des plus beaux textes de la littérature universelle. Edgar Allan-Poe, traduit ici par Charles Baudelaire et illustré par Gustave Doré.

EXTRAIT



« Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. « C’est quelque visiteur, — murmurai-je,
— qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela, et rien de plus. »

ISBN 9791094773192

Imaginaire n°621
vendredi 15 mars 2024
inspirée par
“Le corbeau”
d’Edgar Allan-Poe
 
Une lettre anonyme peut bouleverser une vie.
 
LE MYSTÈRE DU FLAMBEAU ÉTEINT
 
Karna, qui habite au sein d’une petite communauté paysanne, à l’ouest de Margao, dans la province de Goa, en Inde, se réveille, reposé après une semaine de dur labeur.
Aujourd’hui, il a décidé de prendre une journée de repos. Ça ne lui était pas arrivé depuis tellement longtemps.
Son compagnon est déjà levé. Tout le monde prend Shekhar pour un simple camarade d’université qui logerait chez Karna. Ici en effet, l’homosexualité n’est pas bien vue.
— Shekhar, déjà levé ?
— Oui mon chéri, j’ai mal dormi.
— Ah... tu sais pourquoi ? Mon poulet vindaloo[1] était trop épicé ?
Shekhar caresse les fesses de son amour en lui faisant un grand sourire.
— Non, non, chéri, il était délicieux. C’est un plus un cauchemar qui m’a perturbé.
Karna s’assoit à la table de la cuisine, se sert un café.
— Tu veux m’en parler ?
Shekhar, qui s’est assis en face, hésite un peu avant de raconter.
— Je sais pas... j’ai peur de t’inquiéter... pour rien. Mais si tu veux... Les images qui me restent, c’est surtout notre maison en feu, et toi que je vois, à l’entrée... une lettre à la main.
Karna se trouble.
— Une lettre ? Comment sais-tu que c’est bien une lettre ?
Shekhar ne remarque pas encore la gêne de son compagnon et une goutte qui perle à l’une de ses tempes.
— C’est comme ça, comme si je le savais.
Karna se lève d’un coup en renversant sa chaise. Il se met d’un coup en colère.
— C’est des conneries les rêves.
— ...Cauchemars, tente de rectifier, Shekhar.
— C’est pareil !... Tu me fais chier.
Il s’en retourne vers la chambre du couple, claque la porte violemment en maugréant. Shekhar, toujours assis, ne sait pas quelle mouche a-t-elle bien pu piquer son doudou.
Au bout de quelques minutes, il se lève enfin, un peu inquiet tout de même.
Aucun bruit ne vient de leur chambre. Il va toquer.
— Chéri ?
Le silence est pesant.
— Chéri ? insiste-t-il.
Toujours aucune réaction. Si bien que Shekhar s’imagine le pire. D’un coup d’épaule il force la porte.
Devant lui, silencieux, le visage de Karna trempé de larmes... une lettre à la main, est assis sur le lit.
Shekhar bafouille.
— C’est... c’est... une... ?
— Une horreur, mon chéri. Une lettre anonyme qui s’en prend à toi et moi. On nous menace de nous faire brûler.
Shekhar a du mal à rester debout, il s’écroule presque sur le lit, s’asseyant à côté de Karna.
— Qu’est-ce qu’on va faire ?

***

— Monsieur le commissaire, vous savez ce qu’il lui est arrivé à Mahakali ?
Le corps d’une femme est étendu devant la porte de chez Karna et Shekhar, un flambeau éteint, tombé juste à côté d’elle.
— Vous m’avez dit que c’était votre ex-femme ?
— Oui, commissaire. Mais je ne l’avais pas revue depuis plus de cinq ans.
— Votre locataire est là ? demande-t-il légèrement suspicieux.
— Non, il est de garde à l’hôpital.
— Quel hôpital ?
— Le Royal hospital, à Margao.
— Vous avez son numéro de téléphone ?
— Bien sûr. Pourquoi ?
— Pour écarter tout de suite cette piste. Son nom est bien Shekhar Pandey ?
— Oui commissaire.
Karna regarde très tranquillement le commissaire en train de téléphoner.
— Allô ?... Puis-je parler à monsieur Shekhar Pandey ?
— ...
— Ah ? Et depuis quelle heure ?
— ...
— Bien bien... ne le dérangez pas, excusez-moi.
Le commissaire range son téléphone dans sa poche d’un air assez embêté.
— Alors commissaire ?
— Il est d’office disculpé... il opère depuis plus de cinq heures.
— Alors ?
— Eh bien voilà, puisque vous-même étiez absent avec certitude... on va conclure cette affaire par... une crise cardiaque. Mais je me demande pourquoi ce flambeau.

[1] Un plat indien considéré assez généralement comme le plus épicé.