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Imaginaire n° 782
jeudi 27 mars 2025

L'OMBRE DE L'ÉCARLATE (IV)
- Un éclair orangé -

Dans le petit appartement de Gustave, un silence gênant s’est installé.
Gustave décide de changer de sujet.
— Mon père, désirez-vous voir la chambre que je vous proposais dans la lettre que je vous ai envoyée ? Celle de mon voisin.
— C’est très aimable de sa part, et vous le remercierez bien.
— Bah, il est en retraite dans un monastère, près de Cluny.
— Voilà une belle et bonne chose. Que fait-il dans la vie, ce monsieur Girodin ?
— Il est typographe chez l’imprimeur du quotidien “La Croix”.
Le père Simon fronce les sourcils, d’un air contrarié.
— Serait-il antidreyfusard ?
— Non, non, pas du tout. Il serait plutôt, comme vous, mon père, de tendance catholique libérale... Il faut bien vivre.
Un sourire renaît sur le visage du prêtre.
— J’aimerais le connaître. Cependant, vous-même, mon fils... Vous ne vous êtes jamais marié ?
Gustave affiche soudain un air gêné, il rougit presque, puis se décide enfin en “bottant en touche”.
— En fait, je n’en ai pas eu l’occasion...
Un silence pesant s’installe de nouveau entre eux.
— Et votre petite sœur ?
Gustave semble soulagé par ce changement de sujet.
— Elle s’était mariée il y a des années... en 1912. Son mari, Albert Lamorie, est mort de ses blessures en octobre 1914, après la bataille de la Marne.
Le curé prend un air grave et poursuit la conversation.
— Y a-t-il eu un enfant ?
— Une fille... Morte à six ans, en novembre 1918.
— Oh...
— Oui. Congestion pulmonaire, due, semble-t-il, à l’environnement de l’appartement qu’ils habitaient.
— C’est bien triste.
— Oui, mon père...
Voulant rompre immédiatement un nouveau silence :
— ...Dites, cette chambre, je vous la montre alors ?
Regardant autour du prêtre, il ne voit qu’un sac de voyage.
— C’est votre seul bagage ?
— J’ai laissé une autre valise à la consigne de la gare de Lyon.
— Bien, bien, j’irai vous la chercher demain, si cela vous convient.
*
La nuit fut agitée pour Madeleine, et elle dormit peu. Elle se lève au moment où l’on frappe à la porte.
— Bonjour, madame, dit en français un petit moine d’un âge certain... J’espère que ces petites secousses telluriques ne vous ont pas trop perturbée ?
— Non... Mais... vous parlez français ?
— Oui, Madeleine. Mais trêve de bavardages, suivez-moi.
Il fait encore nuit, et le moine avance à pas mesurés dans le long couloir.
Arrivant devant une grande porte merveilleusement sculptée, il l’ouvre.
— Entrez, je vous prie... Madame ?
— Mademoiselle, corrige-t-elle aimablement cette fois-ci.
Le moine entre derrière elle, tandis qu’elle aperçoit sur les dalles froides de la bibliothèque Tenzin, assis en tailleur juste à côté d’un fauteuil antédiluvien.
— Asseyez-vous, lui dit le petit moine en lui montrant le fauteuil.
Mais, très doucement, elle s’assied face au lama, adoptant la même posture. Celui-ci ne semble pas réagir. Il est ailleurs.
Elle croise d’abord son regard, juste en face du sien. Mais il ne la regarde pas. Il regarde à travers elle.
Pas exactement en phase avec Tenzin, mais par égard pour lui, elle tente de faire la même chose.
C’est alors, pour elle, comme fixer un chat dans les yeux. Elle se retient de rire.
Les secondes, les minutes, les demi-heures passent.
Son regard s’habitue, tandis que l’atmosphère de la pièce, d’abord sombre, devient de plus en plus claire. Presque lumineuse.
Les yeux toujours fixés en face d’elle, elle ne voit plus le lama. C’est un silence absolu, où l’on n’entend même pas la respiration des trois personnes présentes.
Les heures s’écoulent sans perturber Madeleine, qui ne s’en aperçoit pas.
Puis, soudain, une cloche sonne doucement, et le son mélodieux du carillon la sort de sa méditation... en même temps que Tenzin.
Ils échangent un sourire complice.
— Alors, Madeleine ?
— Nous étions ensemble, ou j’ai rêvé ?
Il lui sourit.
— D’après toi ?

***

Colette se tourne et se retourne dans son lit, assaillie par toutes ses questions sans réponse, “Pourquoi Joséphine, ma belle-mère, viendrait-elle hanter ma fille ?” “Son assassinat reste toujours un mystère.” “Pourquoi la police n’a-t-elle jamais retrouvé le meurtrier ?” “Quel lien y a-t-il entre Joséphine et Madeleine ?” “Pourquoi l’a-t-on assassinée avec un sabre ?” “Pourquoi n’a-t-on jamais retrouvé le sabre ?” “Ma pauvre petite, il va fal...”
Elle s’endort enfin, épuisée.
Quand elle se réveille, très tard, un peu avant midi, les enfants sont déjà partis. Gustave a conduit sa sœur chez la nourrice Berthe et lui est allé à l’école Buffon, dans le xve.
Elle est en train de se préparer un café dans la vieille cafetière italienne quand, brusquement, quelqu’un frappe violemment à la porte.
Elle se précipite.
C’est la nourrice, Berthe. Une vieille amie de Colette, qui fut aussi infirmière.
— Colette... Je t’assure, elle a disparu sous mes yeux. D’un coup, comme ça, dans un grand éclair orangé.
Colette est abasourdie. Figée sur le seuil.
— Comm... comm... comment ça... disparue ?
— Oui. J’étais en train de préparer mes haricots, tout en gardant un œil sur elle... tu sais comment elle est... et puis... pouf !
— Rentre ! lui dit Colette.
Reprenant ses esprits, elle se dirige vers la cafetière où le café chauffe encore. Elle éteint le feu, puis tombe sur une chaise, hébétée.
— Mais où est-elle ?
— Je sais pas, Colette. Je te mens pas, je t’assure qu’elle a soudainement disparu.
— Je te crois, Berthe... il faut que j’aille consulter notre ami Maxence, il connaît les choses étranges de ce monde.
— Qui ça ?
Colette rejette la tête en arrière. Maxence est un ami de longue date. Ils jouaient ensemble, tous les trois enfants, à Beaune.
— Mais, Maxence... Maxence Thiard, tu ne te rappelles pas ?
— De toute ma vie, je n’ai jamais connu de Maxence...

(Suite au prochain épisode...)