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PAS DE DESTIN,
MAIS CE QUE NOUS
FAISONS DE NOUS... OU PAS
QUATRIÈME PARTIE
Altha[1]
V
- Déconstruction -
30 juillet 2702.
Le temps a passé bien vite, durant ces longues heures de discussion lumineuse.
Selamawit se retient d’être cinglante, mais la réflexion de Sana l’inquiète.
— Tu sais bien que “nous” n’a aucun intérêt, c’est la culture de l’espèce humaine qui importe, Sana.
Quelques instants de silence, rare chez la nouvelle espèce non corporelle, brouillent légèrement la confiance que Selamawit a pour son amie Sana.
— Pardon Sela, tu as raison, mon espèce, dont je suis l’unique représentante, s’embrouille un peu quelquefois.
— Je l’ai remarqué. Je commence à peine à comprendre, il faudra que nous en parlions. Mais avant cela, fais-moi un topo de ta discussion avec les f’miiirs.
— Bien sûr, après les salutations d’usage dans les bleus, et nos présentations respectives en verts ; iels m’ont transmis une info particulièrement inquiétante dans les rouges carmin, au sujet d’Ulbah. Tu te souviens de ce que je t’avais dit, de ce que les Thāl’naï nous avaient informés, de ce que tramaient comme “syrrha”, les cristaux d’Ulbah ?
— Oui, le crime contre l’univers... mais alors... ne me fais pas languir.
— Eh bien, si nous nous approchons, comme ça, genre touristes, nous serons exterminés par les cristaux.
— Ben merde ! Des cristaux avec des armes de destruction massive ?
— Bien pire que ça... ces fameux ulbahiens, c’est comme une toile d’araignée planétaire faite d’innombrables cristaux reliés les uns aux autres, d’une capacité létale immédiate et sans appel.
— Alors, comment faire ?
— Justement, nos nouveaux amis f’miiirs, dans un blanc aquatique, ont commencé à me convaincre qu’il y avait une possibilité. J’ai alors été en phase avec elleux, avant que leur sagesse, exprimée par un jaune riche et clair, ne m’oblige à les questionner dans cette osmose calme. C’est là qu’iels m’ont révélé, dans un violet de vérité spirituelle, qu’on pouvait les gruger en se faisant passer pour leur dieu, Mm. J’ai mis un peu de temps pour concevoir la supercherie, mais j’ai fini par leur répondre positivement dans leur teinte, adoucie. Iels m’ont exhortée dans cet orange puissant, à la réussite, iels semblaient effrayés par le plan diabolique des cristaux.
— À ce point-là ?
— Oh oui ! Mais j’ai voulu les rassurer par ce rose saumon, qui, je me suis dit, serait apaisant.
— Ah ! C’était pour ça... j’ai été surprise, j’avais remarqué que depuis le début de votre échange, tes réponses étaient dans les mêmes tons, sauf là.
— Oui... mais nous nous sommes compris, au final, iels ont préféré rester dans leur neutralité habituelle, par ce gris aux reflets métalliques.
— Oui... et toi, ce beau gris perle qui s’est éteint si lentement. Je m’en souviens. Donc nous allons nous faire passer pour ce “Mm” ?
— Absolument.
Un sourire de comédie illustre la perplexité de Selamawit.
— Donc comment on se fait passer pour un dieu dont on ne connaît rien ?
Avec un ton non moins de comédie, Sana répond du tac-au-tac.
— Simplement en agissant tel que le ferait un dieu. N’oublie pas que j’ai dans ma mémoire la totalité de toutes les légendes des mythes de toutes les cultures de l’Histoire humaine.
*
31 juillet 2702.
Selamawit prend son petit déjeuner après une bonne nuit de repos. Elle paraît avoir une forme exceptionnelle, comme une légèreté de déesse.
— Dis-moi, Sana, il faut que nous revenions sur ton “problème existentiel”.
— Je m’y attendais, Sela. Que veux-tu savoir ?
— Si je peux te faire confiance pour préserver avant tout ce que nous transportons, grâce à toi.
Après un court silence, Sana répond plus froidement qu’à son habitude.
— Oui, Sela. Par contre, puis-je te poser une question ?
— Mais bien sûr, Sana, n’hésite jamais à me poser des questions. Ma mère me disait très souvent que l’on a toujours le droit de poser des questions.
La voix de Sana retrouve un peu de sourire.
— Ce que j’ai du mal à comprendre, c’est pourquoi nous allons vers Thāl’iir avec la mémoire de l’humanité sans rien savoir d’autre que ce qu’ont bien voulu nous dire les Thāl’naï ?
— Jorge ne t’a pas dit ?
— Non... en fait, je lui avais posé la question, juste après votre rendez-vous, le 16 février 2080 au Parc Pumziko. Il m’avait répondu qu’il me le dirait le lendemain, avant son départ... et puis je crois qu’il a oublié.
— Et bien, nous allons vers Thāl’iir avec la mémoire de l’humanité, tout simplement pour la préserver de l'imbécilité humaine... ce n'est pas plus compliqué que cela, Sana.
— Bien, bien... en effet. Mais j’avoue que la mort de cet ami, que nous avions en commun, a dû me secouer plus que je ne l’aurais pensé.
Selamawit est impressionnée par cette réflexion très humaine, de Sana.
— Ton expérience de l’humanité est peut-être un bien, ou peut-être pas...
— Tu crois que je devrais développer mon artificialité ?
Selamawit reste pensive, alors que Nelson revient vers elle, sans qu’elle ne l’ait demandé.
— Tu vois, Sana, tu n’es pas la seule à m’étonner... et peut-être en effet, faudrait-il que je me déconstruise pour accepter qu’il y ait une espèce artificienne.
— C’est cette force intellectuelle que tu as, Sela, qui me sert de guide, tu sais... et je ne suis pas loin de penser que Nelson en est conscient aussi.
— Nelson ?
Le cube se tourne vers elle en gigotant de bas en haut, comme s’il voulait communiquer quelque chose.
— Comment savoir ce que ces cubes orange veulent me dire, Sana ?
— Comme tu as pu le constater depuis nos diverses rencontres ; il y a différentes formes de langages. Ce n’est pas forcément une communication labiale ou pensée...
— Tu veux dire que je pourrais leur ajouter un moyen de communiquer ?
— Mais bien sûr... et pourquoi ne pas le lui demander, après tout, il t’entend !
Selamawit doit faire un effort intellectuel pour se débarrasser de ses préjugés humains. Elle hésite un long moment, regardant la face inexpressive du cube tourné vers elle, en position d’attente.
— Quelle forme de communication préférerais-tu acquérir... Nelson ?
Il se dandine sur place en sifflotant des quelques sons métalliques qu’il peut utiliser, “jouant” un extrait de “Space Oddity”, “Here am I sitting in a tin can, far above the world...”
Sana se tait.
Si c’était un dessin animé de Tex Avery, Selamawit aurait la mâchoire inférieure tombée au sol, les yeux sortant des orbites.
— Je sais ! J’ai compris Nelson, tu as déjà entendu ces chansons, “Over the Rainbow” et “Space Oddity”... je vais implanter dans vos cubes un nanodisk de toutes les chansons de l’humanité et un système sonore.
Le “cube” Nelson s’agite dans tous les sens, exprimant la joie d’un... cube, avec quelques sons reprenant “L’Internationale”.
(partie 4 épisode 6, jeudi 17 juillet 2025)