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LA TROISIÈME ESPÈCE
Chapitre 12
PÉKIN (Běijīng)

nota bene :
J'ai fait une coquille dans un des chapitres précédents... en effet, le professeur Llewellyn Percy est bien "philologue" et non "philosophe" ! (errare...)


Après deux escales de ravitaillement à Sverdlovsk et Irkoutsk, le Tupolev est à l’approche de Pékin.
Théo est presque rouge, mais il se retient d’exploser. Il ne comprend rien à ces histoires abracadabrantesques où la diplomatie se mélange à la ruse politique et militaire.
— Toutes ces histoires me font mal à la tête. Pourquoi devons-nous dire que notre avion, venant de l’oblast de Kaliningrad, aurait eu un “souci technique” à Moscou ?
— Pour la dernière fois, je vous en prie, cher ami, oubliez sa provenance. Officiellement, il est parti de Moscou. Il n’a du retard que parce qu’un des passagers a eu une hypotension inopinée.
Théo paraît étonné.
— Une hypotension... qui ça ?
Friedrich Meier le regarde droit dans les yeux. Théo comprend qu’on lui parle de... lui !
— Moi ? Des problèmes cardiaques ?
Il réfléchit, un rien agacé.
— Bon... allez, allez... vendu !
— Bien, je vais vous donner quelques directives dont il faudra vous souvenir.

Le Tupolev 104 est arrêté sur la piste de l'aéroport de Pékin, il n’a pas eu l’autorisation de s’approcher du terminal.
Le commandant de bord Ivan Nikolaevich Morozov sort de sa cabine.
— Professeur, je suis désolé, mais les autorités de l’aéroport me demandent le manifeste de bord mais aussi les autorisations de passage sur leur territoire.
— Je m’y attendais. Puis-je leur parler directement ?
— Bien sûr, si ça peut arranger notre situation. Mais vous êtes au courant de notre... cas ?
Le professeur sourit et lui tapote l’épaule.
— Aucun souci, camarade.

Une heure plus tard, le Tupolev est toujours stationné en bout de piste.
Samy, en tant que natif du Tibet, s’est évidemment éclipsé et planqué dans un endroit que seule sa petite taille lui autorise. Son nom a été sciemment oublié sur la liste des passagers, son origine tibétaine est trop risquée, il pourrait éveiller des soupçons pour les chinois.
L’escalier mobile s’approche. Tout autour, des soldats armés, des officiels de l’aéroport, trois voitures de police et une limousine. L’escalier mobile se positionne face à la porte ouverte de l’avion. Deux militaires armés, un médecin ainsi qu’un homme habillé type fonctionnaire russe.
C’est ce dernier qui entre en premier.
— Sergei Ivanovich Volkov, ne vous inquiétez pas, je suis de l’ambassade, je représente la mère patrie.
Il laisse passer le médecin qui l’accompagne et continu à expliquer la situation.
— ...j’accompagne le médecin qui veut s’assurer de la santé de votre passager et l’autoriser à poursuivre le vol jusqu’à Hanoï. De toute façon, ce vol est un vol diplomatique. Nous avons autorisé exceptionnellement la visite du médecin par courtoisie.
Les deux militaires restent à l’entrée, fusillant du regard tous les passagers tout en regardant de tous côtés si un cosaque ne va pas les égorger.
Le médecin, versé dans la langue de Molière, s’approche de Théo en parlant obligeamment le français.
— C’est vous, monsieur, qui avez eu un problème cardiaque avant le départ de Moscou ?
Théo, la bouche sèche, le cœur battant, ne peut qu’acquiescer de la tête.
Le médecin sort son stéthoscope, examine les pupilles, prend la tension... il a l’air dubitatif.
— Vous ne voulez pas rester un peu ? Votre état de santé ne m’inspire pas beaucoup.
Le diplomate russe se tourne vers le docteur.
— Allons, cher camarade, il a l’air parfaitement en forme.
Durant ce temps-là, Théo se remémore.
“Je dois dire qu’il me faut absolument me rendre à Hanoï pour voir le Dr. Nguyễn Văn Hòa, cardiologue, à l’Hôpital Bạch Mai d’Hanoï.”
Il répète donc ce que le professeur Meier lui a expliqué dans l’avion, juste après leur atterrissage à Pékin.
Le médecin a l’air impressionné.
— Pourquoi un Occidental va voir un médecin si loin de sa patrie ?
Théo continue à dérouler le scénario.
— Parce que je n’ai confiance qu’en la médecine asiatique et qu’un ami, que voici, monsieur Eirnar Hallqvist, m’a conseillé ce médecin.
Surpris, le docteur chinois semble réfléchir si ce qu’on lui dit est du lard ou du cochon.
— Alors ? s’inquiète ostensiblement Théo.
— Eh bien, je vous félicite de votre grande confiance dans la médecine asiatique, il est dommage qu’une personnalité comme vous n’ait pas choisi la Chine !
Théo, qui allait sortir une de ses vacheries, se retient au dernier moment.
Le médecin se relève et va rejoindre les deux factionnaires alors que le diplomate reste à côté de Théo.
— Ne vous inquiétez pas, tout s’est bien passé.
Le diplomate se lève et chuchote quelques mots à l’oreille du professeur Meier, qui sourit franchement.
Enfin, le médecin désigne Théo aux deux plantons juste devant lui.
— Zhè shì yīgè xīfāng de bèn rén, tā xiǎng yào yòng Yuènán shì de fāngshì zhìliáo. Ràng tā suí tā zìjǐ de zīběn zhǔyì píqì ba.[1]
Les deux soldats penchent la tête vers Théo avec un sourire narquois.
— Tā quèshí kàn shàngqù xiàng gè báichī.[2]

Sergei Volkov, rejoignant la passerelle, regarde le médecin, droit dans les yeux.
— Alors ?
— Bien, j'autorise le passager à continuer son voyage, je vais prévenir les autorités afin que l’avion puisse être ravitaillé selon nos accords.
— Très bien, cher camarade !
Sur ces derniers mots, le diplomate s’éclipse avec un signe amical à l’adresse du professeur.
Ce dernier, enfin détendu, lance à la cantonade.
— Vous pouvez sortir Samy !


[1] C’est un imbécile occidental qui veut être traité à la vietnamienne. Qu’il suive son tempérament capitaliste.
[2] Il a bien la tête d'un idiot.

(chapitre 13, jeudi 16 octobre 2025 “Vientiane”)