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LA CHANCE
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SIGNIFIER LE TERRITOIRE
Le ciel de Monaco était d’un bleu de carte postale, froid et lisse, indifférente au temps qui passe. La mer, en contrebas, reflétait une lumière vascillante où la moindre ride semblait un secret glissé entre deux vagues. Dans le palais, les tapis rouges étaient déroulés avec une précision toute militaire, les lustres reflétaient des éclats trop parfaits, et chaque cristal semblait peser une tonne de significations non dites.
C'était Monaco.
Ce 7 juin 2025, Emmanuel Macron avançait dans la salle de réception, escorté par ses conseillers et un protocole invisible mais oppressant. Les caméras braquaient leurs objectifs sur lui, capturant chaque geste, chaque regard, chaque souffle. Il n’y avait pas de drapeau français. Le vide était là, palpable, là où il aurait dû flotter. La couleur bleue, blanche, rouge, qui signe la nation et rassure l’ego des diplomates et des militaires, était simplement absente. Le drapeau manquait, comme une note oubliée dans une symphonie, et cette absence criait plus fort que n’importe quelle déclaration officielle dont le président était si friand.
Le prince Albert II l’attendait à l’autre bout de la pièce, impassible, sourire poli, mains jointes, tête baissée. Le soleil d’été filtrait à travers les grandes baies vitrées, dessinant des lignes de lumière sur le parquet, et chaque faisceau semblait pointer du doigt l’absence. Un détail banal, mais pour un esprit habitué aux symboles, chaque minute passée à regarder le vide était un couteau qui tournait lentement dans sa conscience.
C'est alors qu'il sentit un frisson lui parcourir l’échine. Ce n’était pas le froid ni la mer toute proche, c’était cette impression que quelque chose était en désaccord avec l’ordre du monde. Il passa en revue mentalement, chaque protocole, chaque note de service, chaque répétition de la visite. Tout avait été si bien prévu, et pourtant… il y avait un manque. Le drapeau. Il en prit conscience. Il ne pouvait s’y résoudre quand il arriva face au Prince Albert II.
Le silence pesait, dense comme du plomb, malgré les murmures feutrés des conseillers et le froissement des tissus. Le Président Macron se tint à côté de son hôte.
Le prince Albert, maître de maison, parlait, mais ses mots semblaient flotter dans un vide acoustique. L’absence du drapeau amplifiait chaque syllabe, chaque pause. Alors que l'autre débitait son discours, Macron sourit poliment, mais son regard cherchait, cherchant les couleurs qui aurait dû rappeler la France, une présence rassurante dans ce théâtre trop parfait.
Les assistants s’agitaient discrètement.
Macron sut qu’il ne devait pas montrer sa tension, mais il sentait l’inquiétude monter en lui, subtile mais insistante, comme un insecte qui gratte derrière le crâne.
Dans un coin de la salle, une ombre se mouvait. Il n’y avait personne à cet endroit, et pourtant Macron eut l’impression qu’un regard invisible l’observait. Son instinct lui criait que ce détail, le drapeau manquant, n’était pas un simple oubli. Il imagina un complot, une trahison, un jeu sadique dans lequel chaque geste, chaque silence, avait été calculé pour provoquer l’inconfort. Même le vent, qui s’engouffrait parfois par les balcons, semblait conspirer, chuchotant des mots qu’aucune oreille humaine ne pouvait entendre mais que son esprit interprétait.
Le prince Albert fit un geste d’invitation. Macron s’avança, poli, mesuré, mais à l’intérieur, il sentait la tension grandir. Chaque pas résonnait comme un tambour dans un couloir de château hanté. Il pensa à toutes les visites officielles, à tous les protocoles minutieux, à l’assurance que la France aurait toujours ses couleurs visibles. Et maintenant… rien. Un vide symbolique qui le mettait face à une étrangeté intime, presque existentielle.
Il se rappela soudain le conseil des ambassadeurs : « Vérifiez toujours la présence des symboles nationaux. Leur absence peut provoquer un incident diplomatique… » Trop tard. Le drapeau n’était pas là. L’absence s’étirait comme une scène silencieuse d’un film d'auteur. Chaque mouvement, chaque sourire, chaque poignée de main était accentué par ce manque. Même le tintement discret des couverts sur la porcelaine au loin que l'on finissait de mettre sur la longue table, semblait une cloche d’alerte.
Dans un coin reculé de la pièce, un cadre photo accroché sur le mur lui fit signe, ou c’est ce qu’il crut. Une image du palais royal, la mer, le ciel, et… rien d’anormal. Mais l’absence du drapeau rendait le quotidien étrange, comme si un faux raccord dans la réalité avait été laissé exprès pour tester sa perception. Macron ferma les yeux un instant, respirant lentement, essayant de rationaliser, mais le cœur battait comme un moteur prêt à exploser.
Puis, un rire. Faible, presque inaudible, comme une brise dans un conduit d’aération. Une vibration subtile dans l’air. Était-ce le prince ? Était-ce lui-même ? Était-ce le vide qui riait à sa place ? Le regard du prince Albert, si calme, si immobile, n’offrait aucune réponse. Et pourtant, le silence résonnait avec une intensité dramatique, comme une corde tendue sur laquelle la moindre note pourrait faire s’effondrer la pièce entière.
Il devait commencer à parler... sinon ce vide accentuerait l'autre.
Macron ouvrit les yeux. Le vide du drapeau continuait à le défier, inamovible. Il sentit une goutte de sueur perler sur sa tempe. La mer en bas brillait, indifférente, et le ciel bleu semblait respirer lentement. Il songea qu’il aurait pu être seul dans ce palais, face à cette absence, et que le monde entier aurait pu s’effondrer autour de lui sans que personne ne le remarque.
Il devait commencer à parler !
Puis, soudain, un souffle de vent fit bouger un rideau. Une silhouette minuscule apparut sur le balcon : un chat, noir, impeccable, qui fixa Macron avec une sérénité dérangeante alors qu'il avait déjà ouvert la bouche. Le président eut le sentiment qu’il comprenait tout, que ce chat connaissait le secret du drapeau manquant, et que tout ce théâtre, toute cette tension, toute cette réception, n’était qu’un rêve de la réalité.
Macron sourit, lentement. Au lieu de parler ce fut ce sourire qui n’était ni triomphant ni soulagé, mais simplement humain, fragile, face à l’absurde. Le vide du drapeau, le silence des lustres, la mer immobile, le chat impassible : tout cela formait une scène que personne ne pourrait raconter correctement, car l’élément le plus crucial, celui qui donnait sens au drame, restait invisible.
Et dans ce silence assourdissant, la réalité s’effilochait doucement, laissant place à une certitude étrange : parfois, le manque, le vide, l’absence, sont les spectateurs les plus redoutables d’une visite officielle.
Il parla enfin.
— Votre Altesse Sérénissime, je vous remercie chaleureusement pour votre accueil si généreux et pour la qualité de cette réception. C’est un honneur pour moi de... et bla bla bla et bla bla bla.
(mardi 23 décembre 2025, douzième Nouvelle “Territoire pouvoir")