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LA TROISIÈME ESPÈCE
Chapitre 7
BERLIN OUEST

Le hall de l’Hôtel Königshof, à Bonn, est tout d’un coup pris d’assaut, ce dimanche 5 février 1961, par une trentaine de personnes. Ils sont tous habillés de costumes sombres, de chemises blanches ou bleu ciel et de cravates toutes aussi sombres que leurs costumes.
Sur le départ, Samy, Théo et Einar observent ces messieurs d’un œil intrigué.
Einar, qui est le seul à s’exprimer en allemand, se permet de demander au réceptionniste ce qu’il en est de ces gens.
— Entschuldigen sie, aber wer sind diese leute, die gerade hereingekommen sind ?
— Ich verstehe ihre verwunderung, Herr Hallqvist ; wir haben nicht oft veranstaltungen dieser art. Aber das ist eine gruppe von wissenschaftlern, die jedes jahr um diese zeit hierherkommen, um sich über ihre medizinischen forschungen auszutauschen... dieses jahr geht es um...[1]
Le réceptionniste remet bien ses lunettes en place et se penche sur une fiche.
... Residuale funktionen und neuronale plastizität nach fokalen läsionen.
— Gut… gut… danke schön.
— Gern geschehen, Herr Hallqvist ; es war mir eine freude.[2]
Einar revient vers ses amis qui attendaient d’en savoir plus.
— Il s’agit d’un petit colloque de médecine, sur un sujet un peu pointu...
Théo, toujours curieux de connaissances, se serait bien incrusté, mais il ne parle pas allemand. Aussi, il reprend ses vieilles lunes.
— Bah, du bon temps au lieu de sauver des vies.
Einar, qui s’est habitué aux vacheries de Théo, ne s’en offusque plus. Quant à Samy, il fait semblant d’être peiné, mais au fond de lui-même ça l’amuse. Il se tourne vers Einar.
— Dites, vous nous parlerez de ce von Karg ?
— Mais bien entendu.
Le taxi, appelé par la réception, est arrivé. Un chasseur[3] s’occupe des bagages, tandis qu’un autre ouvre la portière du taxi.
Einar, comme à son habitude, met dans la paume de ce dernier un billet de cinq Deutsche Mark.
— Bitte, teilen sie das mit ihrem kollegen.
— Besten dank, ich werde es weitergeben.[4]

“Achtung, der zug hält in wenigen minuten in Potsdam zur kontrolle. Wir bitten alle fahrgäste, ihre reisedokumente bereit zu halten und im zug zu bleiben.”[5]
Théo se tourne vers Einar, le ton comminatoire de la voix qu’ils viennent d’entendre lui rappelle de mauvais souvenirs.
— Qu’y a-t-il, Einar ? On va nous arrêter ?
Son ami le regarde en plissant les yeux et lui sourit gentiment.
— Mais non, mais non, cher Théo, nous sommes en RDA, à Postdam. Par contre, pas un mot, vous n’avez qu’à tendre votre billet et votre passeport à la personne qui s’adressera à vous, et ne vous inquiétez pas, les Vopos[6]... ce n’est ni la Gestapo, ni le KGB, mais pas la peine de leur sourire... c’est même déconseillé.
Théo, qui se souvient de ses années d’occupation allemande de 1940 à 1944, essaie de garder son calme.
Son vieil ami, Samy, comme toujours, lui tapote l’épaule.
— Allons, les camarades de RFA ne sont peut-être pas très engageants, je te le concède, mais ça reste des êtres humains... pas des nazis, Théo.
Théo se force à sourire.
— Heureusement que tu es un bon... camarade.
Juste avant que deux Vopos ne fassent coulisser la porte, ils se mettent à rire de bon cœur, et sans doute pour contrecarrer leur malaise.
L’air agacé, le fonctionnaire les regarde avec suspicion. Et principalement Samy.
— Ich bitte um ihre papiere. Zeigen sie bitte fahrkarten und reisepässe vor.[7]
Tandis que tous tendent, silencieux et légèrement crispés, leurs documents ; le berger allemand les regarde, lui, d’un air absent... froidement aussi.

La gare de Berlin Zoologischer Garten est comme toutes les autres. Une foule d’habitués, des employés qui s’occupent et nos trois amis sortant du train après presque douze heures de voyage, dont deux arrêts déjà en RDA. Un à Magdebourg et l’autre à Potsdam... et la connaissance des “pas joyeux” Vopos.
Einar regarde sa montre.
— Bien, mes amis, allons tout de suite à notre hôtel, nous avons un début de semaine chargé. Et puis ce voyage était épuisant. Je dois voir mon ami von Karg demain matin, et il est déjà presque 22 heures. Et dire qu’avec mon avion nous aurions évité tout ça.
C’est Théo cette fois qui tapote l’épaule du grand suédois.
— Je sais, cher Einar, je ne vais pas vous dire que ça me manque... mais mes intestins balancent entre l’avion et les Vopos.


[1] “Pardon, mais qui sont ces gens qui viennent d'entrer ?”
“Je comprends votre étonnement, monsieur Hallqvist , nous n'avons pas souvent de ce genre d'évènements. Mais c'est un groupe de chercheurs qui, tous les ans à cette période, viennent pour échanger sur leurs travaux de médecine... cette année, il s'agit de...
[2] ...fonctions résiduelles et plasticité cérébrale après lésions focales.”
“Bien... bien... merci.”
“Mais à votre service, monsieur Hallqvist, au plaisir de vous revoir.”
[3] Faut-il vraiment préciser ici ce qu’est “un chasseur” dans un hôtel ? NdA (souriante).
[4] “Tenez, partagez cela avec votre collègue.”
“Merci beaucoup, je le transmettrai.” (Oui, ce verbe là et non pas “partager”... il semblerait que ce soit dans la culture allemande). NdA
[5] “Attention, le train s’arrêtera dans quelques minutes à Potsdam pour un contrôle. Nous prions tous les voyageurs de bien vouloir préparer leurs documents de voyage et de rester dans le train.”
[6] Volkspolizei (police populaire).
[7] Je vous prie de me présenter vos papiers. Veuillez montrer vos billets et passeports.

(chapitre 8, samedi 4 octobre 2025 “Berlin-Est”)