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PAS DE DESTIN,
MAIS CE QUE NOUS
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QUATRIÈME PARTIE
Altha[1]

I
- Surprise -


Juillet 2702.
Le vaisseau Aeon Trace est en orbite autour de la planète Webb[2] HD86264 g depuis déjà quelques jours, avant que Sana ne décryonise Selamawit.
Ce n’est que trois jours plus tard encore, que la seule passagère humaine du vaisseau émerge totalement de ses cent cinquante ans de sommeil.
Le salon à côté du timon est plongé dans une semi-obscurité durant le temps que la passagère retrouve toute son acuité visuelle. Elle est assise dans le fauteuil, un verre de jus de fraise posé sur la table basse.
— Alors, comme ça, Sana tu m’as cryonisée direct ?
— Oui Sela, je savais que tu serais super fâchée, mais il fallait que je prenne une décision rapide.
Selamawit est visiblement légèrement énervée.
— Dis-moi la raison pour laquelle tu m’as fait ça, alors que j’aurais peut-être voulu savoir ce qu’il arrivait aux loors par ce mouvement social planétaire ?
Sana a le ton d’une accusée voulant se défendre, étant sûre d’elle.
— Je te cite l’accord que j’ai avec l’Hayl : “Sana, en tant qu’entité indépendante, et en tant que responsable de la mission que lui a confiée le collectif Hayl, doit impérativement donner la priorité à sa mission : sauvegarder l’œuvre de l’humanité qui lui a été confiée.”
Rageusement, Selamawit balaie d’une main son verre devant elle. Elle se force à ne pas crier.
— Okay.
— Tu m’en veux vraiment ?
— Ta gueule !
Elle se lève et s’en va dans le seul endroit où elle pourra se calmer ; la bioferme.
*
La Canopée, l’endroit le plus reposant pour Selamawit, entourée de fruits et de légumes, et de quelques autoserv’ passant l’air de rien, non loin d’elle.
Elle est assise sur un pouf végétal, la tête en avant, dans ses mains. Elle sait bien que Sana a eu raison, et qu’elle n’est là que pour la partie “humaine” de la mission, et qu’elle n’est “que” l’invitée.
“Pourquoi je me suis bourrée la gueule... mais pourquoi ! Je suis une vraie conne. C’est Sana qui a raison. Je vais me calmer... je vais me calmer...”
*
Près de deux heures plus tard, Selamawit “refait surface” au timon.
Sana reste silencieuse, pour une fois.
Selamawit se racle la gorge.
— Sana, c’est toi qui as raison et je n’aurais pas dû me bourrer la gueule... alors, si tu veux bien, oublions mon emportement.
— Merci Sela, répond simplement l’IAI.
— Bon... Sérieusement, nous sommes quand et où, Sana ?
Un léger souffle rassuré.
— Nous sommes le 28 juillet 2702 en temps terrestre, autour de la planète Webb HD86264 g, autrement dit... Altha, qui montre toujours la même face à son soleil.
— Altha ?
— Oui, je me suis dit que je pouvais d’abord étudier à fond cette planète avant de te réveiller. Et crois-moi que celle-ci est autrement plus complexe que la précédente. Ce sont les habitants les plus évolués intellectuellement qui l’ont appelée ainsi.
— Intéressant, une autre ethnie à découvrir ?
— Non, Sela... pas une... mais trois ! J’ouvre l’holopan pour que tu voies mieux.
— Bonne idée, très bonne idée Sana.
Installée dans le fauteuil du salon, devant l’écran géant, Selamawit ouvre de grands yeux curieux, un sourire gourmand aux lèvres.
— Eh bé !
Selamawit tourne la tête, comme si elle appelait un serveur.
— Nelson ! Un thé Darjeeling bien chaud, sans sucre !
L’autoserv’ prénommé ainsi arrive quelques minutes plus tard avec un plateau, un thé et un petit gâteau sec dans le genre “petit beurre”.
Selamawit n’en croit pas ses yeux.
— Un petit beurre ? C’est toi Sana ?
— Non, ce sont les autoserv’ par eux-mêmes qui ont fabriqué ça sur place, dans la bioferme, pour te remercier je suppose.
Selamawit regarde le cube orangé, avec un sourire gêné.
— Euh... merci Nelson.
Le cube qu’elle a prénommé ainsi il y a quelques temps, se dandine comme il l’avait fait avant.
— Il te remercie, toi, Sela.
— Bien, bien.
Selamawit a l’air un peu perdue, ne sachant trop comment réagir à cette évolution de ces petits cubes inexpressifs.
— Tu veux un topo sur les habitants d’Altha ?
Selamawit, alors qu’elle regarde l’autoserv’ aller retrouver ses congénères, répond assez évasivement.
— Oui... topo... vas-y. Mais attends... il a sifflé en partant ou pas ?
— J’ai cru entendre en effet une sorte de bruit mécanique qui pourrait s’apparenter... et pour le topo ?
Cette fois, elle se retourne, reprenant totalement ses esprits.
— Oui... dis-moi Sana.
— Tu remarqueras sur l’écran qu’il semble bien y avoir trois zones.
— Ah oui, en effet.
— D’abord la zone sombre, les F’miiirs. Ce sont un peu comme des taupes qui auraient appris à glisser sur la terre plutôt qu’à creuser. Pas très grands ; à peine un demi-mètre ; mais avec six bras qu’ils peuvent rentrer vite fait quand ils sentent le danger. Par contre, ils n’ont ni yeux, ni oreilles, ni nez. Pas besoin ; ce sont leurs doigts, au bout de leurs mains, qui “voient” et “entendent”. Ils ont sept doigts égaux, et leur peau, bleu-vert foncé, ressemble à de la mousse ou du lichen. Cette peau n’est pas là pour faire joli, c’est une petite usine à énergie, une symbiose avec des microbes qui leur permet de vivre sans manger ni lumière. Dingue non ? Pour communiquer, ils ne parlent pas et ne font aucun bruit, ils envoient des vibrations colorées par leurs doigts ; un langage tout en nuances. Ce sont des créatures calmes, qui ne cherchent pas à dominer ou à se révolter. Ils vivent leur sagesse, tranquilles, sans chef ni querelle. Et justement avec les Fposiis, celles de la zone intermédiaire, c’est compliqué. Les F’miiirs bossent dur pour elles, dans les souterrains, filtrant l’eau et nourrissant la terre, mais cependant, en même temps, ils sont des sortes de sages pour les Fposiis. Par contre, les Aops, de la zone claire... n’existent même pas pour eux, comme des fantômes hors du cercle.
— Sympas ces F’miiirs.
— Plutôt, ce sont eux qui m’ont contactée dans mon esprit, en premier en fait.
— C’est étonnant, ils en sont à quel niveau d’évolution ?
— Spirituellement très avancés, mais techniquement, ils s’en désintéressent totalement.
— Ah ouaip...
— Je continue... dans la zone claire. Les Aops, ce sont les flamboyants d’Altha. Imagine une sorte de raptor qui a quatre bras et quatre jambes, une longue queue préhensible de deux mètres, et un bec plutôt qu’un museau. Leur corps est couvert de plumes et de poils qui les protègent de la chaleur, et leur taille est à peu près celle d’un cheval moyen. Au niveau social, chaque Aop choisit sa couleur ; rouge vif, jaune éclatant, orangé... c’est comme une signature, un style perso. Leur tête large ressemble à un ballon de rugby aplati, ce qui leur donne un air un peu comique, sans vraiment l’être. Ils parlent beaucoup ; oui, ils ont cette capacité... et ils parlent fort ; une langue pleine de mélodies et de cris, quelque part entre une chanson de ménestrel et du hard rock. Leur vie est courte, une trentaine d’années, avec des étapes d’apprentissage mais aussi de transmission de ce qu’ils ont reçu. Côté relations, ils prennent les F’miiirs pour des légendes ou des créatures du passé. Avec les Fposiis, c’est tendu, ça bouillonne. Il y a même un rite de passage, un défi qu’ils doivent affronter à l’adolescence, toujours avec cette pointe de défi et de respect mêlés.
— Houla... eux n’ont pas l’air très commodes.
— Détrompe-toi, le respect est ce qui les anime le plus profondément. Mais il est vrai qu’il vaut mieux ne pas leur chatouiller les arpions.
— J’imagine ! Et les derniers donc ?
— Ah ! Dans la zone intermédiaire. Les Fposiis, elles, c’est du lourd...
— Pourquoi “elles” ?
— Écoute !
— Okay, okay maîtresse.
— Trois mètres de mante religieuse géante ! Ce sont toutes des femelles, et leur reproduction est un vrai rituel ; l’une d’elles change de sexe, devient réceptacle, puis après avoir enfanté, se fait dévorer par les copines. Leur tête est aussi bizarre qu’imposante ; un ballon de rugby, mais cette fois, allongé avec quatre yeux alignés, capables de voir bien au-delà de ce qu’on imagine ; ultraviolets, infrarouges, elles captent même les signatures chimiques des émotions. Leurs yeux multifacettes leur donnent ce regard à la fois inquiet et hypervigilant, pour ne pas dire parano. Le trou de leur bouche, avec ses longues incisives acérées, peut apparaître et disparaître, elles n'ont pas de nez ni d’oreilles, mais des orifices latéraux très sensibles pour “écouter”. Elles parlent par télépathie ou lancent des cris stridents. Leurs six premiers membres sont d’une redoutable efficacité avec leurs griffes tranchantes. Elles peuvent aussi courir sur deux pattes grâce à leurs derniers membres, près d’une queue ornée de trois plumes, jaunes, vertes et grises. Leur peau change de couleur selon la lumière, passant du vert au jaune ou au gris. Elles ne respectent pas vraiment les F’miiirs, mais les consultent quand même comme on écoute un vieux sage ou un oracle. Quant aux Aops, elles les voient comme des êtres instables et violents ; des légendes à craindre, en somme.
— Quel portrait ! J’avoue être plus attirée par les premiers.
— Je te comprends, Sela... et ça tombe bien.
— Ah ?
— Oui, nous sommes invités pour un rituel d’amitié... demain matin.


[1] On notera que cette planète, à la différence des autres, qui sont déjà répertoriées dans la réalité, celle-ci est imaginaire. Cette planète est cependant basée, dans ce roman, sur les caractéristiques réelles de Kepler 186f... sauf son soleil, réel, HD 86264, qui est bien différent. Et le nom “Altha” est évidemment un hommage à l’un des plus grands films de science-fiction des années 50, “Planète interdite”.
[2] Lancé en décembre 2021, le télescope spatial James Webb est le successeur du télescope Hubble. Conçu pour observer l’univers dans l’infrarouge, il permet d’étudier la formation des étoiles, des galaxies lointaines, ainsi que les atmosphères d’exoplanètes. Donc les exoplanètes découvertes par celui-ci, se nommeront toujours Webb (ou JWST), suivi du nom de l’astre solaire et enfin la place de la planète dans l’ordre héliocentrique (“a” étant l’astre), comme c’était le cas pour Kepler (2009-2018).

(partie 4 épisode 2, mardi 8 juillet 2025)