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PAS DE DESTIN,
MAIS CE QUE NOUS
FAISONS DE NOUS... OU PAS
TROISIÈME PARTIE
Peloor
II
- Épouvante -
18 octobre 2081,
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière-Bricaire.
Dans l’ascenseur menant au sous-sol, deux infirmiers semblent inquiets. Ils accompagnent un cadavre hermétiquement enfermé dans un “thanosac”, une invention du laboratoire Nuvexis[1]. Totalement sécurisé...
— Dis Raoult, tu as entendu cette rumeur ?
— Laquelle ?
— Celle sur la mort du professeur Libois et de son assistant, en septembre.
L’autre semble rassuré.
— T’inquiète Octave ! C’est du complotisme. C’est ce que disait Alfred Cimesse, sur LCFMTVnews, l’autre jour.
— Ah ?
— Oui. D’autant qu’il y a des photos de lui. Il est à Moscou, auprès du professeur Nicolaï Popov.
— J’te r’mercie Raoult, c’est l’autre imbécile d’Henri qui m'a dit ça.
— Henri ? Ah oui... je vois, le gauchiste pro-Hayl.
Quand l’ascenseur arrive enfin à destination, les portes s’ouvrent.
Ils sont immédiatement aspergés d’un gaz inodore. Ils se tiennent la gorge à peine pendant quelques secondes avant de tomber. Raides morts.
— Sergent !
— Oui mon capitaine.
— Vous m’emballez tout ça, direction le crématoire du Fort de Bicêtre.
— À vos ordres !
***
19 octobre 2081. Guatemala,
Puerto Barrios.
Depuis 2048, les cartels mexicains ont pris possession de cette ville portuaire sur la côte caraïbe et frontalière avec le Honduras. C’est le QG d’un de leurs chefs, Efraín Tenebrón, dit “el podador”.[2]
(le dialogue original est en espagnol mexicain)
— Où est passé Esteban ?
— On sait pas, chef. Hier il était un peu pâle et il est allé voir le curé.
— Meeeerde ! On a un chargement qui arrive de Tecún Umán, et il est pas là cette sous-merde. Vas me chercher le curé.
— Mais... on est dimanche... chef.
— Qu’est-ce que tu veux que ça me foute à moi, qu’on soit un putain de dimanche à la con. Dieu, ici... c’est moi !
Le “soldat” n’insiste pas plus et obéit.
*
— C’est atroce, chef !
De retour de l’église, essoufflé, le soldat en mission a le visage ridé de peur.
— Quoi donc ? Les gringos débarquent ?
— Non... y a... y a... y a que des cadavres dans l’église.
— Qui s’est permis de buter sans mon ordre ?
— C’est pas des balles qui les ont massacrés... ils sont comme tordus, et avec des regards... comme s’ils avaient vu le diable en personne. La peau presque verte... ou bleue... je sais plus... j’ai couru.
***
2 novembre 2081. Ukraine,
Shoigurov (ex Dnipro).
Les motards du groupe de réapprovisionnement des Karbovyé Brat’ya[3] déboulent subitement dans la cité en ruines, où seul le nouveau drapeau de la Russie impériale d’Alexeï II flotte proprement au-dessus du camp de rééducation industriel qui emploie tous les habitants de douze ans à... ce qu’iels peuvent.
(dialogues en patois gavorka, sorte de surzhyk[4] mutant)
— T’vas par-là, keum, y a des bons choses à greuiller. Nous on va à l’battoir pour choper d’la barbque.
— N’blème chef !
Il est déjà tard, et les “unités ouvrières” rentrent dans leurs “boîtes à rats”, d’anciens containers utilisés comme habitations. Iels regardent passer ses anges de la mort en baissant la tête.
*
3 novembre 2081. Pidhorodne, QG des Karbovyé Brat’ya.
Le village s’éveille doucement en ce début novembre, le bruit sale du Dniepr, où les ordures côtoient les cadavres de poissons qui dérivent sur le ventre, reste malgré tout la seule chose qui paraît “naturelle”.
Le chef des Karbovyé Brat’ya, Viktor Reznikov, s’étire et bouscule la femme qui lui a servi de sextoy durant la nuit. Il s’aperçoit que son bras droit ne dort pas à ses pieds, comme il doit le faire normalement.
— Yaroslav ! Où est ce paillasson de Yaroslav ?
Quelques instants plus tard, un sous-fifre s’approche, prudemment, la tête baissée.
— Il n’est pas revenu de Shoigurov, maître.
*
Quand Viktor, le “carbomarteau”, entre dans l’abattoir, où son bras droit devait “faire les courses”, ce qu’il voit lui donne envie de vomir. Il appuie sa main sur le cadre de la porte et laisse faire la “nature”.
Tous les gars, la douzaine, qui accompagnaient Yaroslav sont étendus par terre, ils ont le visage horriblement déformé et leur peau est presque bleue.
***
5 novembre 2081. Birmanie,
Kawthaung.
La ville, depuis 2073, est aux mains du Minglong Clan, profitant du chaos politique de cette partie du monde. Le clan trafique de tout ce qui rapporte, choses ou êtres... morts ou vivants.
Ce matin-là, comme tous les matins, le ciel gris-brun est comme un tapis de nuages immondes. L’air, chargé de particules fines venues des innombrables usines, étouffe les êtres humains traités en bestiaux, forcés à survivre sous la surveillance narquoise des “yeux de Minglong”. Il pleut à verse depuis déjà plus d’un mois, la chaleur est étouffante et l’humidité fait se coller les vêtements à la peau.
Un mouvement imprévu agite la foule du bétail humain ; ce qui inquiète Hlaing, le gardien qui vérifie les pass-usine et que tout se passe bien. Il est à la porte sud-ouest de l’usine Aplexon, la marque de Neuro Desk[5] la plus connue depuis les années 2050.
Un cri déchire le rideau d’eau, figeant la foule et ses gardiens.
— Ils sont morts ! C’est horrible ! Des cadavres bleus !
Le troupeau prend peur soudainement, les cris se succèdent aux cris, on se marche dessus, s’écrase, se pousse, se bat.
Les “yeux”, d’abord infectés par l’épouvante, hésitent. Mais un ordre claque, plus fort que les hurlements.
— Tirez-moi tout ça !
Le bruit mécanique des armes se mêle au son du déluge, bientôt les morts s’empilent... par centaines. Le sang se dilue silencieusement dans l’eau.
Le silence retombe, lourd, après un long moment d’effroi. Seule la pluie chante pour les morts.
[1] Entreprise “géante” en 2080, regroupant d’anciennes société de laboratoires pharmaceutiques.
[2] “Le sécateur”... je vous fais pas un dessin !
[3] Groupe criminel, les ”Frères de Charbon”, instrumentalisé par Moscou pour terroriser en permanence la population ukrainienne... restante.
[4] Le surzhyk, mélange hybride de russe et d’ukrainien, dans l’est et le centre de l’Ukraine. Déjà en usage avant 2022.
[5] Dispositif compact, portable, minimaliste qui fusionne la puissance d’un ordinateur avec une interface cerveau-machine avancée. Plus de clavier ni de souris. Tout se fait via la pensée, gestes, et réalité augmentée.
(partie 3 épisode 3, mardi 24 juin 2025)