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PAS DE DESTIN,
MAIS CE QUE NOUS
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QUATRIÈME PARTIE
Altha[1]

III
- Éveil -


29 juillet 2749.
Selamawit prend une petite collation dans le fauteuil du salon. Pensive, elle n’écoute pas trop fort le très long morceau “Carmina Burana”[1] dans sa version médiévale, enregistrée dans les années 70 du XXe siècle. Elle regarde nonchalemment le vieux gouvernail décoratif, à côté du timon.
Nelson, l’autoserv’ qui lui sert son petit déjeuner à chaque réveil, est à côté. Inexpressif et immobile, comme le serait un spectateur lors d’un concert en direct.
Soudainement, Selamawit sort de ses pensées.
— Au fait, Sana, hier soir, pourquoi as-tu dit “nous sommes invités” ?
— Parce que les f’miiirs ne communiquent que par des vibrations de couleurs.
— Eh alors ?
— Oui, je sais, je pourrais t’aider d’ici, mais en fait... iels m’ont demandé d’être présente avec toi... physiquement.
Selamawit ne comprend pas tout de suite la logique de cette demande des f’miiirs.
— Mais tu ne peux pas !
— En fait, si ! Celui qui communiquait avec moi, Éiiil, savait déjà tout de notre vaisseau depuis longtemps.
— Comment ça ?
— Leurs esprits sont bien plus avancés que le mien même. Iels sont capables de “faire voyager leurs pensées” au-delà de leur collectif et partout dans l’espace.
Selamawit est sidérée.
— Depuis quand t’iels étaient au courant de notre existence ?
— Depuis notre départ de la Terre...
Un long moment de silence s’impose de lui-même avant que Selamawit reprenne ses questions.
— Mais, alors toi, comment vas-tu faire pour venir avec moi, et pourquoi ne peut-on pas y envoyer mon holoSela ?
— Pour répondre à ta première question, Éiiil m’a dit et indiqué la manière de faire pour télécharger un peu de moi dans un de nos autoserv’, suffisamment en tout cas pour communiquer. Éiiil m’a même suggéré Nelson. Et pour ta deuxième question, c’est juste une histoire de politesse que j’ai senti devoir te proposer — Okay, va pour ma présence... Mais, en plus, il connaissait mes autoserv’ ?
— Je t’ai dit... ça fait plus de sept cents ans qu’iels nous étudient.
Selamawit est scotchée. Incapable même de remettre ses idées en place avant un bon moment.
— Mais pourquoi Nelson ?
— Iels ont remarqué ton attachement à celui-ci.
Selamawit se tourne vers le cube orange qui au même instant, lui aussi, se tourne vers elle.
Un léger sifflement métallique, seul, exprime quelque chose d’indicible.
Selamawit le sait au fond d’elle, elle s’est en effet attachée à ce cube-ci au lieu d’un autre.
— Ça m’inquiète, ça, Sana.
— Pourquoi ?
— Qu’iels en sachent tant sur nous. Ne pourraient-iels pas en profiter pour nous faire quelque chose de...
Sana la coupe, poliment.
— Pardonne-moi, Sela, mais moi-même j’ai déjà envisagé tous les scénarios possibles. Tenant compte de leur avancée spirituelle, si iels nous avaient voulu du mal... ce serait déjà fait.
Selamawit enregistre cette déduction... lentement.
— Certes, tu dois avoir raison, mais ton optimisme quelquefois me déconcerte...
— C’est ton optimisme qui m’a fait vivre, Sela.
Elle, reste silencieuse.
— Nous devrions nous préparer, selon les instructions que j’ai reçues et mes propres vérifications, je t’ai fait faire par Jin, Arthur et Alfred[2] une tenue pressurisée, adaptée aux basses températures de la zone sombre, à son atmosphère et avec une visière de protection aux infrarouges.
*
Une heure plus tard, plus ou moins, Selamawit et Nelson-Sana sont au centre d’un cercle de f’miiirs.
Les “taupes cosmiques” les ont accueillis très cérémonieusement par des variations lentes de bleu cobalt, auquel Nelson-Sana a répondu un bleu clair électrique de remerciement. Puis le dialogue s’est engagé. Leurs doigts lumineux s’exprimant lentement, et les réponses adaptées par Nelson-Sana prennent du temps. Selamawit reste silencieuse, ne perdant rien de cet échange de lumières muettes. Le vert émeraude confirme l’harmonie et la bonne volonté des hôtes. Un léger vert menthe confirme cet engagement des visiteuses. Suit un rouge carmin aux “reflets” rapides d’urgence. Quelques instants plus tard, Nelson-Sana répond par la gravité d’un orange clair continu.
Selamawit, toujours silencieuse, semble comprendre cette suite de vibrations lumineuses plus ou moins rapides, plus ou moins “nerveuses”.
Un blanc perle des f’miiirs très léger, comme un vent spirituel est précédé d’un blanc lumineux, sincère et clair.
Selamawit, la bouche en coin, susurre une question à sa coéquipière.
— Dis, ça va durer longtemps ce dial ?
Nelson-Sana, une demi-seconde, se tourne vers Selamawit.
— Patience, murmure-t-elle.
Un jaune or, très pur, long et lent semble étonner le cube, qui se recule comme par surprise, avant de diffuser un jaune pastel discret mais profond.
La réponse des f’miiirs ne tarde pas, un violet profond, mais d’une clarté exceptionnelle se diffuse sur tout le cercle, auquel succède un bleu lavande qui descend en intensité.
Le cube, comme la fois où Selamawit lui avait donné son identité, semble sautiller sur place, joyeusement. Un orange brûlé scintillant des f’miiirs est accueilli par un rose saumon doux, aux vibrations allant au continu.
Enfin, les f’miiirs baissent la tête, calmement dans un gris argenté et Nelson-Sana conclut par un léger gris perle qui s’éteint lentement.
Selamawit comprend que ce dialogue étonnant est terminé.
— Alors ? demande-t-elle.
— Je vais te raconter tout ça... un instant.
Toujours la tête baissée, les f’miiirs émettent dans une succession harmonieuse, un orange doré qui se fond dans un bleu azur pour se finir en vert tendre.
Nelson-Sana se penche doucement en avant et émet une suite lumineuse tendre ; du bleu pastel à l’or pâle pour finir par un délicieux lavande clair. Nelson-Sana se relève tout aussi doucement et chacun repart en son chez-soi.
*
Revenus dans le vaisseau quelques heures plus tard, Selamawit ne peut plus retenir son impatience.
— Un instant, Sela, avant que tu me fasses sauter tes questions comme du pop-corn dans une poêle... tu as un message de Nelson, qui te remercie de ce qu’il a vécu.
Souriante, contenant ses questions, elle tapote gentiment sur le haut du cube avant que celui-ci ne reparte vers ses congénères, en sifflotant gaiement de quelques sons métalliques, “Over the rainbow”.
Le silence et les yeux surpris de Selamawit précèdent la batterie de questionnements.
— Je verrais le dysfonctionnement de Nelson plus tard... alors, Sana... raconte !
— On va devoir jouer la suite, serrée, si on veut survivre !...


[1] Clemencic Consort, direction de René Clemencic (Harmonia Mundi, 1975–1977). NdA : 3h40.
[2] cf Partie 3, épisode 5.

(partie 4 épisode 4, samedi 12 juillet 2025)