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Imaginaire n°699
vendredi 13 septembre 2024
Il y a des voyages qu’on préfère faire à deux.
FENG
C’est un petit matin d’automne et il est tôt ce matin-là, le soleil est à peine levé.
Estelle, juste encore vêtue d’un tee-shirt de nuit, est assise sur le bord du lit, la tête dans les mains. Elle sanglote et ses sanglots sont entrecoupés de hoquets nerveux.
— Qu’est-ce qu’il m’a pris... mais bon dieu, qu’est-ce que j’ai fait, se lamente-t-elle à voix haute pour elle-même.
Estelle est une jeune femme de presque quarante ans, de petite taille, d’apparence fluette malgré ses quelques kilos qu’elle juge “superflus”. Elle a de très longs cheveux roux qui lui couvrent le dos quand ils sont libres, mais la plupart du temps elle s’en fait une natte qui va jusqu’au coccyx. Quant à son visage, chacun s’accorde à lui trouver toujours un air d’adolescente, malgré ses yeux vert foncé dont émane une tristesse enfouie.
Elle relève la tête, les larmes ont inondées ses joues, mais un sourire renaît quand elle pose une main délicate sur O’Malley qui s’est allongé à côté de sa tutrice, la tête contre sa cuisse.
O’Malley a bien évidemment senti la tristesse d’Estelle, il plonge ses yeux dans ceux de son humaine et se met à ronronner bruyamment.
O’Malley, lui, a une carrure imposante, pas uniquement à cause de la bonne nourriture que lui prépare Estelle, mais il est comme ça depuis toujours. Il a les poils gris foncé et une raie blanche parcourt sa colonne vertébrale. Ses yeux sont bleus, d’un bleu foncé, bien plus que sa mère, Zoé, une belle siamoise.
— Il tient plus de son père, disait toujours le mari d’Estelle.
Elle, ça la faisait sourire, oui, O’Malley était bien le fils de Nefer, le chat bedonnant de sa mère à elle. Et alors.
Estelle finit par se lever, farfouille ses étagères remplies de vêtements bien rangés, par genre et par couleur.
Elle se tourne vers O’Malley, qui lui s’étire de tout son long.
— O’Mal’, que penses-tu si je mettais cette autre longue jupe rouge bohémienne pour aujourd’hui ?
Le greffier la regarde. Il essaie de traduire l’humain. Il penche la tête de côté en souriant son incompréhension.
— Merci, je suis d’accord avec toi... je vais mettre la blanche, décide-t-elle après ce court sondage. Elle reprend son monologue.
— Il faut que j’aille réparer mon erreur, ensuite il faudra bien que je me décide. Je dois bien ça à Feng.
O’Malley, se dandinant nonchalamment, s’approche de la cheville d’Estelle. Il se frotte contre en ronronnant, de ce bruit caractéristique du matin qui veut presque dire... “Alors, qu’est-ce qu’on mange ?”
Elle baisse la tête.
— Bien sûr, O’Mal’, je vais préparer notre petit déj’, dès que je serai prête.
***
Pomponnée, les cheveux mis en natte, habillée gaiement d’une longue jupe blanche de broderie anglaise, un très long tee-shirt marinière avec de longues manches et de jolies baskets roses, elle vaque au quotidien.
Là, les joues sèches, un sourire confiant aux lèvres, elle hache pour O’Malley un steak et le mélange de légumes tout en sifflotant un air de jazz.
Le jazz, c’est ce qui avait rapproché Feng Xingjian et Estelle Marmaille. Feng jouait de la contrebasse dans un groupe de jazz de New-York de passage à Paris. Ce fut un coup de foudre et deux semaines plus tard, Feng quittait son groupe, s’installait avec Estelle et avait même trouvé du travail comme précepteur de chinois auprès d’une clientèle parisienne aisée.
O’Malley la fait revenir au présent. Il est monté sur le plan de travail de la cuisine et tourne autour de son assiette en préparation.
— Ça arrive, O’Mal’ ! dit-elle en riant presque.
Elle pose l’assiette à terre.
O’Malley, les moustaches vibrantes de plaisir, saute à la verticale, mue par la faim.
Estelle le gratifie d’une caresse sur la raie blanche de son dos, son chat est pour elle plus qu’un chat, un confident.
— Bon appétit, mon tout beau, tu permets que je m’occupe de mon petit déjeuner ?
Pour toute réponse, et sans arrêter de manger, O’Malley lui répond par un ronronnement significatif.
***
Estelle avec le long manteau de cuir qu’elle a gardé de Feng, marche sous la pluie de ce début d’octobre. Une pluie fine qui s’infiltre partout.
Trempée, elle pousse la porte de la boutique de pompes funèbres.
— Salut Estelle, l’accueille la gérante.
— Bonjour Maryse.
Maryse avec ses plus d’un mètre quatre-vingt est une femme de grande taille, la cinquantaine sportive. Fine, les cheveux bruns, courts, un visage rond, un masque com-mercial sur le visage. Mais ce qui rapproche ces deux femmes de génération diffé-rente, c’est... Feng. Car avant d’avoir été le mari d’Estelle. Feng le fut de Maryse, bien longtemps auparavant. Ce-pendant, malgré ça, les deux femmes se connaissent et s’apprécient même.
— Tu viens pourquoi ? Ce n’est que demain.
— Je sais, mais depuis l’autre jour, j’ai changé d’avis.
Maryse tellement surprise, accuse le coup.
— Comment ça ? De quel avis tu parles ?
— Ça n’aura pas lieu ici. Je ne dois pas faire cela.
Maryse, après la première surprise, se reprend.
— J’en étais certaine, dit-elle, ça va se passer là-bas ?
— Oui, je dois bien ça à sa famille. L’enterrement aura lieu dans son village natal.
— Du côté de Leizhou, tu es sûre ?
— Oui, Maryse.
Cette dernière, très amicalement, fait une tape dans le dos d’Estelle en souriant.
— Bah, Feng avait le désir de le faire avec toi...
— Quoi donc ?
— Ce voyage en Chine !