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ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (I)
-il va me les briser-

18 mars 2025 – 9h10
Le corps de Marine La Pire[1], déchiquetée, dans une mare de sang, gît sur la tombe d’un poète oublié, Eugène Pottier. Dans cette allée déserte du cimetière du Père Lachaise, un homme s’approche, lentement.
C’est Lucien Pilpoil, poète anarchiste, qui découvre la scène, lui qui était venu pour mettre un bouquet, comme tous les ans, sur la tombe de son poète préféré.
Ses principes lui interdisent de prévenir la police. “En plus on me soupçonnerait”, se dit-il.
Il prend son téléphone portable et fait plusieurs photos, histoire de garder “un souvenir” de cet événement qui ne va pas manquer d’occuper les télés et les commentateurs.
Vite fait, il rempoche l’objet avec ses précieuses images.
“Ça va bigrement intéresser Pilou”, pense-t-il en souriant.
Pilou est un petit malin, expert en informatique, qui s’occupe de la propagande anarchiste du groupe anonyme “Tagada-Tsoin-Tsoin”, dont il fait partie.
Il commence à pleuvoir et il n’y a personne d’autre alentour. Lucien s’évapore discrètement avec son bouquet.
La pluie battante se mêle au sang, qui disparaît en filets rougeâtres, comme les traces de pieds de Lucien.
18 mars 2025 – 11h22
Devant le corps aux joues blanches, dans cette allée ensoleillée après l’orage, deux représentants de la Préfecture de Police, informés par un appel anonyme reçu une heure plus tôt se sont rendus sur les lieux et ont découvert le cadavre de la patronne du parti d’extrême droite.
— Commissaire, alors, on fait quoi ?
L’inspecteur Stéphane Crapot est sous le choc.
— Eh bien on dit rien, surtout pas de vagues. Je préviens le ministre d’abord.
18 mars 2025 – 14h37
Le ministre de l’intérieur, Bruno Retaïau-Taïau, tourne en rond dans son bureau, la tête rentrée dans ses épaules. Non loin de lui, le Commissaire Ursule Crémont est assis dans un fauteuil Louis xv, silencieux, respectueusement.
Soudainement, le ministre se tourne vers le commissaire.
— Ne dites rien, je ne veux surtout pas que la presse soit au courant... après la mort de son père en janvier, ça a déjà été le merdier... je vais prévenir le premier ministre.
Surpris, Ursule relève la tête.
— Mais... pardon monsieur le ministre, mais il n’y a pas de nouveau premier ministre... depuis le décès de monsieur François Baillenrond lors de ses vacances d’hiver à Pau.
— Ah merde ! C’est vrai... satanée trottinette.
Le commissaire réprime un sourire, repensant à ce malheureux accident. “Mourir bousculé par une trottinette... c’est vrai que c’est con”, se dit-il.
— Bon, je vais prévenir Jordan... pour éviter qu’il ne me les brise, il est tellement con.
— Ça c’est sûr !... Oh pardon, monsieur le ministre, se reprend Ursule.
— Pas grave... Je lui téléphonerai demain. J’ai un repas de famille. Mais, vous... silence radio... et télé !
— Bien sûr monsieur le ministre.
Le ministre s’arrête de tourner en rond et se fige.
— Il n’y a que vous et votre inspecteur qui soyez au courant ?
— Oui.
— Bien... je vais vous nommer, vous et votre collègue à Saint-Pierre et Miquelon.
— Mais... monsieur... je suis une tombe !
Rougissant de l’humour involontaire, il baisse la tête.
— Il y a un humour que je ne goûte pas... allez... ouste !
D’un geste de la main il congédie son subordonné.


[1] Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence... quoique.


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (II)
- le latin, c’est du chinois -

19 mars 2025 – 8h59
Cimetière du père Lachaise, alors que le cadavre de Marine La Pire, a été escamoté la veille, laissant quelques traces brunies. Dans une autre section du cimetière, sur le gisant représentant ce grand idéaliste, Auguste Blanqui, figure tutélaire de La Commune[1], un autre corps décapité recouvre la sculpture horizontale. Un flot de sang a éclaboussé les alentours paisibles.
Une promeneuse, de petite taille, d’allure simple et d’un âge incertain, se dirige vers l’endroit de ce sacrifice, un bouquet de primevères à la main.
Elle se fige à la vue de ce spectacle sanguinolent. Dans un sursaut de survie, elle fait demi-tour pour aller prévenir le gardien.
19 mars 2025 – 9h12
Dans la 2e section du Père Lachaise, le commissaire Ursule Crémont et l’inspecteur Stéphane Crapot, dépêchés discrètement par le Préfet de Police Laurent Nugnaize, viennent d’arriver sur le lieu de la décapitation.
— Alors, commissaire, finalement, on y va à Saint-Pierre et Miquelon ?
— Non, mon p’tit Crapot, j’ai fait jouer mes relations...
Le visage de l’inspecteur s’illumine d’un sourire presque narquois.
— Le cas Bernard Arnouille...
Sotto voce, le commissaire lui glisse un aveu à l’oreille.
— Il me devait bien ce service, après cette histoire avec François Ruffian.
Stéphane Crapot réprime un rire et se reprend.
— Dites ! On dirait pas qu’il y a un papier qui sort de la bouche de... la tête ?
En effet, un coin de papier, taché de sang, semble dépasser de la langue exsangue.
Le commissaire, comme un habitué qu’il est d’actes plus ou moins atroces qu’il a connus lors de sa longue carrière, se saisit de la tête qui avait roulé au bas du monument funéraire.
— Exactement, mon petit, on lui a enfoncé un papier.
Il se munit de gants spéciaux et retire l’objet de la gorge du crâne.
— Qu’est-ce que c’est ? interroge l’inspecteur.
— Il y a un truc d’écrit...
— Et ?
— Bah je sais pas... le latin, pour moi, c’est du chinois... “Est socia mortis homini vita ingloria”.
— “La vie sans gloire est une mort anticipée”.
Le commissaire tourne la tête vers son subordonné.
— Eh bé, petit, tu m’étonneras toujours.
Le latiniste rougit légèrement.
— Dans ma jeunesse, j’ai étudié chez les Frères.
— Bon, ça nous aide pas vraiment. Sauf qu’on sait que celui qui a mis ça... ici, a des lettres !
19 mars 2025 – 10h01
— Ginette, qu’est-ce qu’il y a ? demande Pilou à la vieille qui vient d’entrer dans le local discret du groupe “Tagada-Tsoin-Tsoin”.
— J’ai vu, ce matin, le cadavre décapité d’une femme.
— Où ça ?
— Au Lachaise ! Sur la tombe de mon ancêtre.
— C’était qui ?
— Je crois que c’était la femme de mon père d’adoption, celle qui m’a fait chier toute mon enfance avec ses prêchi-prêcha.
— Christine Brouton ?
— Oui...
— Qu’elle grille en enfer la mégère homophobe !
19 mars 2025 – 10h02
Au même moment, le long du quai de la Rapée, à la morgue, alors que le corps de cette femme qu’ils ont enfin identifiée, le légiste Martin Pimpon, prend le commissaire par le bras pour l’emmener vers le premier cadavre.
— Dites... on a trouvé enfoncé dans la gorge de madame La Pire, un papier chiffonné.
— Merde !
— Ben pourquoi ce mot cambronnien ?
— C’est que l’autre, là, elle en avait aussi un. Et que dit celui-ci ?
— “Hic est stercore”.
— Pffff, encore du latin !
— Ah ! Je vois que monsieur n’est pas versé dans les pages roses.
— Mouaih, pour moi c’est de l’hébreu... bon, tu me le traduis, le disséqueur ?
— “Voilà la merde”.
— Quelle merde ?
— Ben c’est la traduction...
— Les romains étaient aussi grossiers que les parisiens ?
— Bah oui. La grossièreté c’est pas nouveau.
— Bon, le fouineur de barbaque, surtout... bouche cousue... personne ne doit être au courant. C’est ailleurs que la décision se prendra.
— Au château[2] ? Mais...
19 mars 2025 – 10h37
— Alors, Pilou, les photos qu’a prise Lucien hier ?
— Je les ai envoyés un peu partout, et sur les réseaux.
— J’espère que papy Adolphe appréciera... de là où il est.
— Thiers ?
— Ben non, voyons, mon ancêtre, le frère d’Auguste, même si on peut pas dire qu’il n'a pas été un révolutionnaire, je suis retombée sur de ces lettres à Proudhon...
— Surprenant !
— Ouaip, camarade.
20 mars 2025 – 9h11
— Quoi mais ?! commence à gueuler le commissaire.
— Tu n’as pas lu la presse de ce matin ?
Ursule Crémont a le visage chafouin.
— Montre !


[1] Arrêter le 17 mars 1871 sur ordre d’Adolphe Thiers, alors que, malade. Il n’est ramené à Paris, qu’après l’assassinat des derniers combattants. Il est pourtant jugé le 15 février 1872, et condamné pour d’autres faits avec d'autres communeux.
[2] Surnom de l’Élysée.


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (III)
- une dose de boule-chite -

20 mars 2025 – 19h07
Cimetière du Père Lachaise, alors que le gardien de la paix Paulin Dubonnet en faction devant la tombe d’Auguste Blanqui depuis le matin, commence à somnoler, une ombre se glisse parmi les stèles de la division 66 du cimetière, bien loin du factionnaire endormi. Dans la pénombre de la nuit naissante, il porte un fardeau sur ses épaules.
Arrivant près d’une tombe, il se met à genoux devant celle-ci surmontée d’un buste vieilli, celui dont le nom éclate sur la pierre en deçà, “Jules Vallès 1832-1885”. Après avoir posé sa charge devant lui, il semble se recueillir en silence, la tête profondément baissée.
Dans un mouvement lent et décidé, il positionne le cadavre de l’homme qu’il transportait, assis en position de communiant.
“Tiens, crapule !” pense-t-il en le souffletant violemment. Il remet la tête comme il convient et lui enfonce une feuille de papier dans la gorge avant de lui arracher le cœur avec une tenaille.
Une fois fait, stoïquement, il regarde sa proie sanguinolente en essuyant l’outil avec un vieux chiffon.
Puis, tout aussi silencieusement, il s’enfonce dans la nuit, sous l’œil impassible de la lune.
21 mars 2025 –9h11
Dans le bureau du ministre de l’intérieur, malgré les portes fermées, la gueulante de Bruno Retaïau-Taïau s’entend à tous les étages de l’immeuble de la Place Beauvau.
— Bordel de nom de d’là ! Crémont ! Vous vous rendez compte... Geoffroy Desjeune, le rédacteur en chef de “Râleurs actuels”... et sur la tombe d’un autre journaliste, un de ces piètres scribouillards, communards patentés !
— Monsieur Desjeune ?
— Mais non, saperlipopette... Vallès ! Ce gauchiste !
Le ministre va vers son bureau, sort d’un de ses tiroirs une boîte de médicaments dont il essaye de cacher le nom[1]. Il en avale deux avec un verre d’eau.
Il reprend, plus calmement la conversation avec son subordonné.
— Bon, commissaire, je sais que vous avez un appui de taille, avec notre ami, Bernard Arnouille. Mais j’aimerais que vous fassiez preuve d’imagination et de célérité pour arrêter ces méfaits à l’encontre de... de...
— De l’extrême droite ?
Le ministre fronce les sourcils d’un air agacé.
— Seriez-vous communiste ?
— Non, non... du tout...
— Alors taisez-vous ! Allez ouste ! Au boulot ! Je veux des résultats... rapidement ! Bernard Arnouille ou pas.

***

17 Février 2025
Bureau de Bernard Arnouille, au 22 avenue Montaigne.
— Bien, mon cher Ursule, votre témoignage dans l’affaire Ruffian m’a été d’un grand secours.
— Oh, vous savez, recommander à certains personnages de considérer qu’ils avaient le choix entre un enterrement, certes de première classe, mais à titre éternel ou d’être magnanimes envers vous dans cette affaire de cornegidouille, a été assez simple. Et puis, à la veille de partir en vacances à Megève, c’était le bon moment.
— Et je vous en sais gré ! Considérez-moi comme votre débiteur.

***

21 mars 2025,
depuis le matin
La presse papier, audiovisuelle et internet est chauffée à blanc depuis que tous les médias ont reçu d’un expéditeur anonyme les photos du cadavre de Marine La Pire. D’autant que la nouvelle de la mort de Christine Brouton a été aussi divulguée, c’est un déferlement de débats, d’hommages ou de soupirs d’aise, de commentaires façon politique-fiction. Et sur les réseaux sociaux, c’est la foire d’empoigne entre les pros et les antis.
21 mars 2025, 12h01
Siège du parti... le Réassemblement Nouveau
— Où est Geoffroy ? demande Jordan Brassdelère à sa secrétaire.
— Je ne sais pas, chef. J’ai bien transmis votre invitation à déjeuner, hier soir.
— Vous êtes certaine qu’il l’a reçu ?
Le regard un peu inquiet, la secrétaire bafouille.
— Eh bien j’ai eu son secrétaire au téléphone. Je pense qu’il a dû transmettre le message.
— Comment ça... “son” secrétaire ?... Geoffroy a une secrétaire ! S’est-il présenté quand vous l’avez eu au téléphone ?
— Euuuuh, non. J’ai juste remarqué qu’il avait une voix plutôt rauque et un langage un peu suranné.
— Foutre merde de bordel de chiasse... appelez-moi la rédaction de Râleurs !
21 mars 2025, 14h52
Alors que le corps déchiré au niveau de la poitrine gauche est emporté à la morgue. Une foule de journalistes hystériques est bloquée par un cordon de police aux portes du cimetière.
Le duo Crémont-Crapot, revenu sur les lieux, a découvert le nouveau papier dans la gorge du supplicié.
— Qu’est-ce que ça dit ? demande le commissaire à son collègue latiniste.
— “Nimium altercando veritas amittitur”... c’est-à-dire, La vérité se perd par trop de disputes.
— ‘Videmment... fallait s’y attendre. Bon. Je vais voir la meute et essayer de les calmer, façon Laurent Faukuz.
— Ah ?
— Oui... une dose de “boule-chite”.


[1] Seuls nos lecteurices pourront se renseigner sur le Seroquel... habituellement utilisé pour certains problèmes du système nerveux.


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (IV)
- le pendu de la préfecture -

22 mars 2025 – 3h12
Cimetière du Père Lachaise... une ombre se faufile entre les tombes. Ce n’est pas la même ombre, elle est plus étoffée du ventre et plus petite aussi.
Elle s’approche du lieu où fut sacrifiée Christine Brouton... la tombe d’Auguste Blanqui. À pas de loup, lentement, l’inconnu s’approche d’un homme assis négligemment sur le gisant représentant le grand homme.
L’ombre se baisse pour mieux voir et ne pas être vue... la lune éclairant la nuit de son éclat.
L’homme assis, d’une main tremblante, fouille dans sa poche, lorsque soudainement, l’ombre se lève en face de lui en prenant son appareil photo.
Dans l’éclair aveuglant du flash, saisit d’effroi, l’homme assis laisse tomber à terre son paquet de cigarettes sorti de sa poche.
— Ah ! Je t’ai pris coquin ! dit le photographe dans un rire de satisfaction.
Mais ce dernier est encore plus surpris lorsque deux mastards lui tombent dessus, le plaquant au sol comme le feraient des rugbymen.
— Ça y est, on tient notre homme, Gérald. Va prévenir l’inspecteur.
L’homme qui était assis sur le ventre de Blanqui, s’est relevé et ramassé son paquet.
— Il est planqué où Crapot ?
— Lui, on l’a mis près de la tombe de Delescluze... allez, grouille !
Remis enfin de ses émotions, l’homme à terre, le nez en sang, se révolte.
— Mais, mais, qui êtes-vous ?
— La police, mon gaillard ! Tu croyais qu’on allait rester à ne rien faire... tu vas nous cracher le morceau, crois-moi.
— Mais je suis Laurent Jeffreine !
— L’ancien rédac chef de “L’Aberration” ?
— Mais oui !
— Ouaip, je t’ai vu chez Pascal Proute... mais tout ceci n’est pas clair. On t’embarque quand même !
22 mars 2025 – 9h21
— Alors, il a dit quoi le bobadeur ? demande le commissaire en train de finir son sandwich jambon-beurre du matin.
— Il nous les brise avec ses copains du “Siècle”.
— C’est quoi ça ?
— Un club, genre parlottes entre “premiers de cordée”.
— Ouaip, bon... on va le mettre au frais, ça lui rabaissera le caquet au baveux, on le cuisinera demain.
22 mars 2025 – 20h06
CNous, la chaîne d’infos de Vincent Bléno,
“L’heure de Proute weekend”
— On vient d’apprendre l’arrestation de Laurent Jeffreine, notre chroniqueur de gauche...
Quelques sourires en coin parmi les chroniqueurs et chroniqueuses.
Élisabeth du Clos Levide-Vougeot, repose son verre.
— Oui... même d’extrême-gauche, Pascal !... N’ayons pas peur des mots. Mais pour quelles raisons est-il embastillé ?
— On le soupçonne d’être l’ignoble meurtrier du Père Lachaise !
— Lui ? éructe, comme offensé, Philippe Bigleur, il serait trop con pour faire...
Pascal Proute coupe la parole à l’ex magistrat reconverti.v — Bon, on n’en sait pas plus pour le moment. Mais est-ce un hasard si on arrête l’un de nos confrères ? Ne serait-ce pas plutôt un coup de ces wokistes-crypto-musulmans ? La question se pose ! Justement, nous avons en ligne, sur ce sujet, monseigneur Marc Caillé, de Bayonne...
— Bonjour monseign...
Soudainement, la diffusion est interrompue. BTVMF, LCPI, RCMA, ainsi que toutes les autres rédactions de chaînes, c’est la même chose. Une image apparaît à la place, sur un fond rouge et noir, un homme portant un masque de Mickey, ou plutôt un squelette de crâne avec deux grandes oreilles noires et les bords de la “bouche” aux dents acérées, peintes en rouge.
Tandis que sur les ondes radios, on entend des chants de La Commune de Paris.
L’homme à la voix rauque s’adresse à tous.
— Citoyennes, citoyens, bien qu’aujourd’hui on ait incarcéré un suppôt de l’impérialisme vénéneux, il faut savoir que ce n’est là, de la part des roussins qu’un leurre. Je continuerai ma vengeance, et ce n’est pas ce taulier de Crémont qui va m’en empêcher. Sur ce, une page de publicité...
Le début d’une vidéo sur une visite au Père Lachaise... coupée rapidement par les techniciens de TDF, l’entreprise publique chargée de la diffusion audio-télé.
23 mars 2025 – 15h34
Palais de l’Élysée,
dans le bureau présidentiel.
Emmanuel Machin est assis à son bureau, en train de lire “La princesse de Clèves”, attentivement.
À cet instant, alors qu’il en est déjà à la page 1... il est interrompu par sa compagne, Brigitte.
— Chouchou, mais c’est la troisième fois que tu lis ce livre.
— Bah, j’essaye de comprendre pourquoi Nicolas Sarzikon n’aime pas ce livre.[1]
Brigitte qui est venue surtout pour lui montrer la très belle robe que vient de lui offrir Bernard Arnouille, de la dernière collection printemps-été de chez Christian Deyors, est un peu déçue de son inattention. Mais elle insiste.
— Comment me trouves-tu ?
Toujours penché sur la page 1 de son livre, et sans lever la tête.
— Tu es magnifique, ma chérie, comme toujours.
— Bon... en tout cas, il y a “votre” ministre de l’intérieur qui attend dans le bureau de monsieur Kolère.
23 mars 2025 – 16h11
— Commissaire, viendez voir, crie le policier chargé de mener le suspect Jeffreine à son interrogatoire, il s’est pendu !
Accouru en hâte, le commissaire Crémont décroche lui-même le cadavre du journaliste.
— Regardez, commissaire, on dirait qu’il a un papier dans la bouche.
Ayant retiré le papier, l’ayant lu, il appelle son inspecteur.
— Crapot ! Venez, j’ai besoin de vos pages roses !
Quelques instants plus tard, l’inspecteur lui traduit. “Falsum saepe vero suavius est”, ce qui veut dire, en gros... Souvent le mensonge est plus agréable que la vérité.
— Ah ben merde, si maintenant on nous zigouille nos prévenus dans la préfecture !
24 mars 2025 – 20h01
Sur toutes les chaînes de télé, hormis Gruli et TéléVatican, le visage du président Machin apparaît.
Dans une posture droite, les mains posées sur son bureau, juste à côté de la pile des dix-huit tomes des mémoires de Nicolas Sarzikon, dont le dernier opus, “Le temps c’est du pognon” mis en évidence. L’air très sérieux, il s’adresse à la nation.
— Nous sommes en guerre. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, sportifs, religieux, influenceurs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale pour permettre à notre pays de surmonter cette crise qui nous revient du passé. Nous sommes en guerre et la Nation soutiendra ses enfants qui, policiers et policières en civil, en uniforme, gendarmes et gendarmettes en tenue, plantons, matons et matonnes, personnels administratif, laveurs de carreaux de la DGSI, femmes de ménages des services de la sûreté, qui se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité, imagination, force de caractère, café et patience. Ils ont tous les droits et nous leur devons évidemment nos moyens, notre protection, nos prières, nos renseignements, notre dévotion. Nous serons là. Nous leur devons, des matraques, des boucliers, des gilets pare-balles, des genouillères, du café, tout le matériel nécessaire. Et nous y veillons et y veillerons.
Mes chers compatriotes, en étant unis, solidaires, je vous demande d’être responsables tous ensemble et de ne céder à aucune panique, d’accepter ces contraintes. Nous nous les appliquerons tous, il n’y aura pas de passe-droits. Mais là aussi de ne céder ni à la panique ni au désordre. Nous gagnerons contre ce monstre ignoble qui sévit dans l’un de nos cimetières les plus précieux. Beaucoup de certitudes, de convictions, d’avis, de commentaires, de blogs seront balayées, seront remis en cause. Ne nous laissons pas impressionner par cet individu malfaisant, agissons avec les forces de l’ordre. Nous serons plus forts moralement. Nous aurons appris que le passé est le passé, le présent est le présent et l’avenir est l’avenir. Pierre qui roule n’amasse pas mousse et un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Je sais, mes chers compatriotes, pouvoir compter sur vous. Vive la Police ! Vive la République ! Vive la France ! »

[1] C’est un concours de circonstance certainement, mais l’un de nos derniers présidents disait bien du mal de cette œuvre... le 23 février 2006.


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (V)
- Appelez-moi Matignon -

25 mars 2025 – 12h41
Cimetière du Père Lachaise. Cette nuit fut calme.
Les deux fonctionnaires de police sont presque soulagés qu’on n’ait retrouvé aucun corps mutilé ce matin-là.
— J’ai rendez-vous chez le préfet de police, Nugnaize, tout à l’heure, Crapot.
— Au sujet du pendu ?
— J’en ai bien peur, on va me passer encore un savon.
— Ça va être une douche froide.
— Crapot, quelquefois, votre humour me défrise un tantinet.
— Pardon, commissaire, j’essaie juste de détendre l’atmosphère.
— Bien, alors pour vraiment se détendre, Crapot, on va se béqueter un petit couscous chez Bébert. C’est juste à côté... mon jambon-beurre de ce matin ne me suffit plus.
25 mars 2025 – 15h05
— Vous êtes en retard, Crémont.
— Les bouchons, monsieur le préfet, depuis que madame Hiquedallego a interdit les rues du centre de Paris à la circulation à partir de 14 heures, ça devient problématique.
— Vous auriez pu prendre un Vélib’.
— Certes, mais où mettre le gyrophare ?
— Bon... passons. Alors, qui a pu pendre ce journaliste ?
Le commissaire baisse la tête d’un air bien embêté.
— Pfffff, on n’a rien trouvé. Le planton dément s’être endormi. Mais je le connais. Je l’ai foutu à la circulation place de l’Étoile, ça lui fera les pieds !
Laurent Nugnaize esquisse un sourire satisfait.
— Mouaip... bon, il me faut des résultats, Retaïau-Taïau ne cesse de m’envoyer des textos depuis avant-hier. Je sais que vous êtes protégé par le patron de HLMV, mais notre futur premier ministre risque d’être moins coulant que Baillenrond.
— On va avoir un nouveau PM ?
Le préfet a un regard lumineux, comme s’il venait de voir la vierge en soutifs.
— Ça risque... l’annonce est pour demain... à l’heure du JT sans doute, sauf si Machin joue encore aux Machiavel tiktokien.
Crémont ne peut s’empêcher de sourire à cette pique.
— Alors y a plus qu’à prier.
— Oui, eh bien en guise de cierge, vous avez intérêt à m’apporter la lumière sur cette affaire... dans l’affaire. Allez... et j’espère pour vous que j’aurais de bonnes nouvelles, il n’y a pas que la place de l’Étoile !
26 mars 2025 – 9h07
Au local du groupe “Tagada-Tsoin-Tsoin”.
Pilou vient de recevoir une lettre anonyme. L’ayant ouverte, il découvre une reproduction d’un tableau célèbre d’un de nos grands peintres. “L’enterrement à Ornans”, avec cette maxime latine, “Acta est fabula”.
Pilou, qui connaît parfaitement les algorithmes et des tas de choses en informatique, n’a malheureusement pas suivi d’études classiques.
— Annabel ! J’ai besoin de tes lumières.
Annabel, est une transgenre punk, qui passe son temps entre la BNF et Le Collectif 23, un lieu alternatif parisien. Toujours curieuse de tout, elle arrive sans perdre de temps.
— Excuse-moi de te déranger dans tes préparatifs du 28 mai, mais on vient de recevoir une carte postale.
— Une carte postale ? Ben ça alors.
— Ouaip, ma grande, mais y a un truc en latin... et moi, c’est pas mon fort les langues mortes.
Annabel lui sourit aimablement et prend l’objet que lui tend Pilou.
Elle éclate de rire.
— C’est ainsi que, dans le théâtre antique, on annonçait la fin d’une représentation, “La farce est jouée”. Et à ce que je sais, c’est aussi ce qu’aurait dit ce cher Rabelais sur son lit de mort.
— Eh bé ! Mais pourquoi ce tableau de Corot ?
— Tsss Tsss, c’est pas Corot, mon poto, c’est Courbet !
— Courbet ? Celui qui a dézingué ce machin à la gloire du dictateur Napoléon ?
— Vouaip ! ‘xactement.
— Alors d’après toi... ?
— Faudrait qu’on y aille voir, c’est au sud de Besançon. Mais gaffe aux roussins !
— Je connais une camarade dans le coin. Je vais l’appeler.
26 mars 2025 – 12h05
Le cimetière d’Ornans est enfin fermé pour le déjeuner, Juliette, une amie de Pilou, se faufile parmi les tombes. “Pourvu que les keufs soient pas déjà passés”, se dit-elle en avançant prudemment vers la tombe de l’artiste, qu’elle connaît bien, pour y avoir déposé un bouquet le 18 mars 2021, pour le cent-cinquantième souvenir de La Commune.
Soudainement, elle voit un corps en position du pénitent, les fesses à l’air, zébrées de traces rouges. “Personne n’est venu, apparemment”, se rassure-t-elle. Elle sort son téléphone portable de sa poche, et s’approche en essayant de ne pas trop faire crisser le gravier qui entoure la stèle. C’est là qu’elle remarque qu’un bout de papier sort de l’anus de celui quelle reconnaît immédiatement, Philippe Caballerosse qui autrefois faisait un duo d’humoristes avec Régis Lapalette.
“Effectivement... la farce est jouée”, pense-t-elle en souriant ironiquement.
Elle prend toute une série de photos sous différents angles, sans bien entendu oublier le bout de papier... sans le toucher, en militante alter, elle est bien au fait des techniques policières. Aussi, avant de quitter les lieux, elle efface bien toutes ses traces de pas.
26 mars 2025 – 13h05
Alexis Kolère, Secrétaire général de l'Élysée, visage impassible, est devant les caméras, sur perron de l’Élysée.
— Bonjour mesdames, bonjour messieurs, le président de la République a nommé monsieur Gérald Duralamain premier ministre et l’a chargé de former le nouveau gouvernement... je vous remercie.
26 mars 2025 – 14h52
Crémont et Crapot sortent de de table.
— Merci Bébert... ton couscous... franchement il est toujours extra, hein Crapot ?
— Ouaip chef ! Et avec cette annonce de notre nouveau PM, on a bien fait, parce que là ça risque de swinguer.
À cet instant le smartphone du commissaire vibre dans sa poche intérieure.
— Merde... qu’est-ce qu’y a encore ?
— ...
— COMMENT ? Encore un cadavre ?... et c’est qui ?
— ...
— L’humoriste... enfin... l’ex reconverti dans la propagande LaPiriste ?
— ...
— Eh quoi ?... Dans le fion ? Qu’y avait-il d’inscrit ?
— ...
— Répétez, je note.
Il coupe la conversation, et range l’objet à sa place. Il a son air fumasse des mauvais jours.
L’inspecteur Stéphane Crapot garde le silence, se méfiant des emportements de son supérieur.
— Bon, Crapot, on va en province ! On a retrouvé le corps de Philippe Caballerosse avec un papier lui sortant du... enfin de...
— Du cul ?
— Crapot ! Inutile de préciser. Au fait, traduisez-moi “Acta est fabula”
— La farce est jouée, commissaire.
27 mars 2025 – 8h07
Bureau du nouveau ministre de l’intérieur, Laurent Faukuz.
Le ministre se balance sur son fauteuil Louis xv, presque détendu en mâchouillant quelques tranches de Rosette.
— Alors, on m’a informé que ce meurtrier était un latiniste. Je suis un spécialiste du latin, vous savez ? J’ai passé quinze jours de vacances à Rome, il y a douze ans.
Le commissaire, connaissant la réputation de Faukuz, ne réagit pas. Le ministre se balance toujours sur le fauteuil du “Mobilier national”.
— Ce fauteuil n’est vraiment pas pratique !
Il appuie sur un des boutons de son téléphone de bureau.
— Georges-Antoine, mon très cher Directeur de cabinet, s’il vous plaît, allez me quérir un de ces rocking chairs de chez Philippe Strack. Dites-lui qu’en échange, je l’inviterai chez Paul Belcuisse pour le remercier.
— ...
— Bien, bien, il vous félicite.
Il raccroche et se retourne vers le commissaire.
— Bien, bien, sûr de l’affection de notre admirable police, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions policières contre un ennemi sournois, sûr que par sa magnifique abnégation elle remplit son devoir vis-à-vis de nos concitoyens et du gouvernement, enfin, sûr de la confiance du peuple tout entier envers nos efforts... je vous nomme Commissaire divisionnaire de police.
Ursule Crémont relève la tête d’un coup.
— Merci, monsieur le ministre.
— Bien, travaillez bien, vous verrez la suite avec notre nouveau Préfet de Police... Manuel Bossa-Nova.
Très étonné, le nouveau divisionnaire ose une question.
— Il n’est plus ministre des Outre-mer ?
Laurent Faukuz éclate de rire.
— Soyons sérieux ! Allez, allez mon cher. Faites diligence désormais.
Alors que le divisionnaire Crémont ouvre la porte pour s’éclipser, le Directeur de cabinet, Georges-Antoine Paillasse le croise.
“Eh bé, le pauvre !” pense le policier. Il n’a que le temps d’entendre le ministre gueuler.
— Comment il refuse ?... Appelez-moi Matignon !


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (VI)
- Un outil dans le... -

28 mars 2025 – 9h07
Cimetière du Père Lachaise.
— Eh pierrot ! Putain, qu’est-ce que tu fais à pioncer ?
Allongé sur la sépulture de l’auguste auteur de la chanson “Le temps des cerises”, Jean-Baptiste Clément ; le gardien de la paix, stagiaire, enrôlé comme bien d’autres pour surveiller chaque tombe des membres de La Commune se réveille, l’air hébété.
— Oh zut, pardon chef...
— Fais gaffe, sinon je vais te faire muter comme planton au ministère de l’intérieur ou encore pire... serveur auprès du ministre Laurent Faukuz !
— Oh non, pas ça chef... pas ça, c’est trop dur.
— Bon, je vais être coulant, mais tu restes ici jusqu’à demain, le brigadier-chef Tataron te remplacera.
— Merci chef.
Mais avant de repartir, le lieutenant de police Fabien Grazo, remarque un papier attaché à la sculpture représentant le profil du poète de La Commune. Il s’approche et le retire afin de lire ce qu’il y a d’inscrit. “Fabricando fit faber. Va voir chez Labienus”
— Ah merde ! Encore ces putains de messages à la con.
Il prend son téléphone portable et appelle immédiatement l’inspecteur Crapot, désormais célèbre latiniste au sein de la Police judiciaire.
— Allô, Inspecteur Crapot.
— ...
— Que veut dire Fabricando fit faber ?
— ...
— La pratique fait l’ouvrier, Ça veut dire quoi ce charabia ?
— ...
— Ah ! Okay, okay... bien sûr que je connais ce proverbe, “c’est en forgeant que l’on devient forgeron.” Mais dites, inspecteur, y a aussi un truc d’écrit en bon français.
— ...
— Gueulez pas, j’allais vous le lire, c’est écrit en-dessous, “Va voir chez Labienus”... c’est qui ce mec, il est fiché ?
— ... clac.
— Ah ben merde, y m’a raccroché au pif le Crapot ! Comment que je connaitrais les généraux de Rome ? J’ai pas fait mon service militaire en Italie !
28 mars 2025 – 15h22
Local “Tagada-Tsoin-Tsoin”.
— Je t’avais pas dit que Juliette m’avait envoyé les photos qu’elle a prises à Ornans l’autre jour, dit Pilou à Lucien Pilpoil.
— Montre !
Lucien, voyant le postérieur de l’ex humoriste avec le bout de papier lui sortant du cul, part dans un éclat de rire.
— Bon, c’est vrai qu’on va pas être triste, mais le plus con c’est que ce n’est pas sorti dans la presse. Pourtant je les ai envoyées un peu partout, même à Charlot hebdo... mais que nib.
— T’inquiètes ! Je connais une libraire alter un peu barrée en Bourgogne... je vais lui en causer deux mots.
29 mars 2025 – 10h00
Tout le quartier de Grenelle est bouclé.
— Mais puisque je vous dis que je suis le nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la recherche d’emploi et de reconversion des personnels non indispensables, je suis Luc Feraille... vous savez, l’illustre philosophe.
— Connais pas !
Le ministre repart, énervé.
29 mars 2025 – 10h44
Hôtel Matignon.
Bureau du Premier ministre, Gérald Duralamain.
— Bon, messieurs, s’adresse-t-il à Ursule Crémont et Stéphane Crapot, expliquez-moi pourquoi vous bloquez la rue de Grenelle et trois de nos grands ministères... enfin, je veux dire de ceux qu’on doit bien garder si on ne veut pas se faire lyncher.
— Oui, je sais, Ministère du travail... au point où ça en est... ça peut patienter, celui de l’éducation et de toutes ces sortes de choses... on a qu’à prolonger les vacances de Pâques, pour ce que ça sert... et si je me rappelle bien le Ministère de la Fonction publique... j’ai cru comprendre que ça allait devenir juste une nouvelle agence France Travail-Patrie... alors je leur ai proposé à tous de s’installer au Stade de France. De toute façon, il n'y a rien de prévu avant avril.
— Bon, d’accord, je ferai patienter les ministres concernés, mais dites-moi pourquoi ce blocage ?
Le commissaire lui montre alors le papier trouvé sur la tombe de Jean-Baptiste Clément.
— Labienus ? Il est fiché ?
Gardant son sérieux, il lui explique.
— Voilà, étant donné que le tueur est apparemment porté sur l’époque latine, il doit faire référence à la victoire du général romain Labienus, certainement dans la plaine de Grenelle, lieu probable de cette bataille contre les Gaulois de Camulogène.
Duralamain, subjugué par les connaissances historiques de son subordonné, reste coi durant un certain temps.
— Bon, bon... et qu’espérez-vous y trouver ?
— Le corps d’un supplicié, qui sans la présence de nos gardiens de la paix sur toutes les tombes de communards au Père Lachaise... s’y serait trouvé. Et je vous signale qu’on est sans nouvelle de l’ancien président du PATDEFF (Patronat Défenseurs de la Finance), Geoffroy Roule-Deszieux... et le message sur le papier, après ce qu’il s’est passé à Ornans... on craint le pire, surtout avec ce mot “en forgeant”.
Le ministre a du mal à comprendre.
— Forger, comme le fut l’humoriste, précise Crémont.
— Ah ! Merde !
— C’est le cas de le dire... c’est pas bien joli.
31 mars 2025 – 19h04v — Ça fait deux jours qu’on n’a rien trouvé, commissaire.
L’inspecteur Crapot paraît inquiet. En plus les trois ministres, Luc Feraille (Éducation) Élisabeth Bornée (Travail) et Bernard Cazecouye (Fonction publique) n’arrêtent pas de se plaindre auprès de Matignon.
— T’as raison, Crapot, pour une fois. On se donne jusqu’à demain matin. Je préviens Matignon.
— Et pas le Ministre de l’intérieur ?
— Je crois pas qu’il soit disponible, aux dernières nouvelles, il préparait un livre sur les grandes restaurant de sa région, alors il déguste.
— Oui... et si on n’y prend pas garde, nous aussi on va déguster.
— Crapot ! Je vous ai déjà prévenu que votre humour de stand-up, vous le ferez sur scène. Pigé ?
— Bien, bien, commissaire.
1er avril 2025 – 8h00
Le blocage de la rue de Grenelle est enfin débloqué.
Quelques minutes plus tard, au n°121 rue de Grenelle, Maria-Fabiola Gomez, femme de ménage a enfin pu passer pour faire son office au deuxième étage, dans un bel appartement cossu, vide de son propriétaire, puisque cette fois il devrait être avec sa vraie femme, aux Seychelles.
C’est lorsqu’elle pénètre dans la chambre décorée de tableaux aux scènes érotiques, qu’elle voit avec horreur un cadavre.
Prise de panique, elle se jette par la fenêtre et se fracasse le crâne sur le trottoir, éclaboussant de sang les clientes et clients faisant la queue devant une épicerie fine du quartier.
1er avril 2025 – 8h27
Le commissaire Crémont découvre la scène. C’est en effet le corps de Geoffroy Roule-Deszieux, égorgé et pendu par les pieds, les jambes écartées avec un une pince de forgeron plantée dans l’anus du désormais ex administrateur de Saint-Gro-bon et du Bureau Felicitas.
Un papier est accroché à l’outil. Le commissaire s’en saisit avant que ses collègues de la scientifique viennent lui montrer à quel point ils sont si fantastiques.
Sur le papier on peut lire : “Fabricando fit faber.”


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (VII)
- Ah ben merde alors -

1er avril 2025 – 14h17
Cimetière du Père Lachaise, près de la porte d’entrée principale, très rapidement, une personne portant un grand manteau rouge à capuche et un panier en osier se précipite pour coller une affiche grand format.
Elle repart aussitôt son action réussie.
1er avril 2025 – 15h38
Dans le bureau du Préfet de Police Manuel Bossa-Nova, les deux policiers, Crémont et Crapot sont dans leurs petits souliers. Le préfet est entré dans une colère noire.
— Alors comme ça on laisse coller des affiches pornographiques dans Paris ? C’est totalement inadmissible !
— En tout cas ce ne sont pas des photos de nos services, monsieur le préfet ! essaye de se disculper l’inspecteur Crapot.
— Qu’est-ce que j’en ai à foutre de “l’artiste” !... et à ce propos, alors, vous pouvez me dire comment quelqu’un a pu photographier le... fondement de Philippe Caballeros, avec cette vue plongeante sur son... enfin sur... Manuel Bossa-Nova n’arrive pas à trouver de mot adéquat pour rester poli. En tout cas je veux voir ce photographe au trou... euuuh... au gniouf ! Et rapidement.
Bien évidemment, les fonctionnaires de police se retiennent de pouffer.
— Bien, monsieur le préfet.
— Bon, j’espère que vous m’avez compris, blanco ou pas, ce sera le gniouf !
1er avril 2025 – 20h00
Tous les journaux télévisés font leur premier titre avec cette affaire des affiches... signées “Comité Pan-Pan Culcul”, avec comme sigle en rouge sur fond noir, une étoile à huit flèches, comme les points cardinaux.
Sur le plateau de FranceNational 2, Nathalie Sans-Cric se perd en conjecture.
— Oui, Anne-Sophie, ce sigle n’a semble-t-il rien à voir avec la mouvance nationaliste, mais selon une dépêche reçue à la FP, revendiquant cette action parisienne d’affichage, ce serait le signe du “Chaos”, issu de certains jeux des années 80.
— Ah, c’est très intéressant, Nathalie, merci de cette précision... passons maintenant à notre rubrique culinaire, aujourd’hui les rognons de veau, façon Philippe Atchoumblette.
2 avril 2025 – 11h15
Local du Tagada-Tsoin-Tsoin.
— Alors Pilou, tu vois, j’ai bien bossé. J’ai pu même mettre une affiche tout à côté du ministère de l’intérieur, au 2 rue de Miromesnil.
— Extra Annabel, t’as fait un taf d’enfer avec les affiches de la copine à Lucien, en Bourgogne. Et cette idée du “Comité Pan-Pan Cul-Cul”, j’ai grave explosé de rire.
— Les keufs, on les balade comme des pantins. Mais bon, tout ça c’est super, mais tu sais qui s’en prend à tous ces marioles ?
— Nan... désolée. Mise à part la carte postale, on n’a rien d’autre de lui... ou elle.
Annabel sourit.
— En tout cas, ça fout un bazar infernal, et je kifferai de lui faire un hug !
3 avril 2025 – 15h22
— Commissaire, ça y est, on a enfin compris pourquoi l’ex président du PATDEF a été retrouvé rue de Grenelle, et pas au cimetière.
— Ah ben, quand même !
— Bah, vous savez, des policiers cultivés, c’est pas simple à trouver, eh puis en plus c’est une histoire de gauchiste.
— Tiens, donc... et vous avez mis tout ce temps pour comprendre ça ?
L’inspecteur à l’air vexé, mais il insiste.
— Bien sûr que si que j’avais compris, mais c’était assez étrange cette adresse. Alors avec un camara... un collègue, on a fait des recherches historiques. Eh ben, figurez-vous qu’en 1871, un certain Thomas Colin, un communard qui occupait les fonctions de percepteur du xve arrondissement de Paris, a habité à cette adresse, hébergé par un fonctionnaire des finances, traître au gouvernement versaillais. Il y fut arrêté et condamné un peu plus tard pour une “usurpation de fonctions”.[1]
— Ah ?
Le commissaire, ébahi par le travail de son subordonné reste sans voix quelques instants.
— Mais malheureusement, on n’a pas pu retrouver le nom de ce traître.
— N’empêche, on tient une piste. Cette mise en scène à cet endroit a quelque chose d’une vendetta personnelle.
L’inspecteur se gratte la tête.
— Mais bon sang, mais c’est bien sûr ! Vous êtes fortiche, commissaire.
Pas peu fier du compliment, Crémont essaie de garder son humilité.
— C’est bien pour ça que je suis divisionnaire... Crapot !
4 avril 2025 – 6h02
Cimetière du Père Lachaise.
Une ombre s’approche du policier en faction à côté de la tombe de Jules Joffrin, ex député de La Commune. Très silencieusement, car deux autres tombes sont gardées non loin de là.
Un coup sec sur la tête du factionnaire. Retenu par le subreptice, qui le dépose avec respect sur le sol.
Il sort d’un grand sac de jute qu’il avait déposé un peu plus loin auparavant, un corps sans vie, nu, mis à part une écharpe tricolore autour de ses hanches.
Il fait attention que la tête ne se décroche pas encore, juste retenue par quelques vertèbres. Il l’allonge sur la sépulture de l’ouvrier mécanicien devenu parlementaire du peuple. Étendant les bras du cadavre de chaque côté et les jambes serrées.
Il enfonce dans sa gorge un papier et repart tout aussi silencieusement sans s’être fait remarquer le moins du monde.
4 avril 2025 – 9h24
— Commissaire, vous savez qui c’est ce nouveau macchabée ?
— Aucune idée. Mais à coup sûr cette fois, ça va ruer dans les brancards.
— Pourquoi commissaire ?
— L’écharpe ! C’est un député... et ça sent mauvais.
— Dites, il doit avoir un nouveau message ?
— Pour sûr.
Le commissaire s’approche de la tête du mort et en prenant le papier de sa bouche, malheureusement, la tête se détache et roule un peu plus loin.
— Aïe ! fait le commissaire, ça va pas plaire non plus ça, on dirait un coup de sorcellerie macabre.
— Alors, qu’est-ce qu’y a de marqué ? demande l’inspecteur.
— “Salus populi suprema lex esto”. Ça veut dire quoi ?
— “Le bien du peuple est la loi suprême.”
— Ah ben merde !
4 avril 2025 – 11h45
Dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.
Il y a un brouhaha indescriptible, les insultes fusent de toute part.
— La parole est au député, crie Yaël Brosse-Privé dans le vacarme ambiant.
Un député, rouge de colère est au pupitre et s’égosille.
— C’est un scandale atroce, notre confrère, notre ami, Aurélien Dutrompe, député de la 3e circonscription de Saône et Loire, était un membre éminent de notre groupe Réassemblement, il vient d’être découvert, mortellement assassiné par cet individu qui sème la terreur... cette même terreur que certains voudraient voir revenir.
Il se tourne à cet instant vers sa gauche où les députés du Front des nouveaux populaires se lèvent alors, dans une colère noire.
— Nous sommes là par la volonté du peuple et nous en sortons avant que les baïonnettes ne soient de sortie, clame la députée Mathilde Panier.
4 avril 2025 – 14h13
Après que le corps de Marine la Pire a été rendu après l’examen minutieux fait à la morgue, c’est le jour de son enterrement. Les députés du R, encore sous le choc de la mort de leur collègue retrouvé ce matin, sont tous silencieux. Sébastien Chevlu se prépare à dire quelques mots...
5 avril 2025 – 10h07
Place Beauvau, Bureau du ministre de l’intérieur.
Laurent Faukuz lève la tête vers le commissaire divisionnaire Crémont.
— “Affaire”, un “f” ou deux ?
— Deux, monsieur le ministre.
— Merci...
Puis, soudainement, se rendant compte que c’est lui qui a convoqué le chargé d’enquête, il ferme son ordinateur portable.
— Ah, oui... Crémont... il paraît que vous avez une piste, et que les finances y sont mêlées.
— Oui, enfin, si on peut dire.
— Bon, je vous félicite quand même. Certes, la disparition de ce Dutrompe n’est pas une bonne nouvelle... il y aura une élection partielle.
Il sourit.
— Eh donc monsieur le ministre ?
— J’ai demandé à mon collègue de Bercy de vous recevoir. Donc vous avez rendez-vous demain avec Michel Sapionce, il a beau être socialiste, ça reste un membre de notre nouveau gouvernement d’union française pour la restauration... à ce sujet, j’ai beaucoup de travail, alors... bonne chance.
5 avril 2025 – 14h11
De retour de son déjeuner chez Bébert, le commissaire a convoqué l’inspecteur Crapot.
— On est dans la merde, je te dis, on est dans la merde !
— Ah ?
— Tu iras voir le ministre de l’Économie et du Relèvement Déficitaire demain. Tu lui diras que je suis malade, parti aux Seychelles ou je sais pas, otage au Tibet... mais j’en ai ma claque !
Crapot, qui sent bien que son supérieur a comme un coup de blues.
— Allons, commissaire, et si on allait se détendre ?
Affalé qu’il était sur son bureau, la tête entre ses bras. Il se relève d’un coup.
— Voilà une bonne idée ! On va se murger un peu. Tiens, je t’invite aux Folies bergères ce soir !


[1]On notera que Thomas Colin a réellement existé. Il n’a pas été arrêté réellement dans les circonstances que l’autrice a narrées ici. Mais on en saura plus en lisant sa “fiche” sur le site “maitron.fr” :
https://maitron.fr/spip.php?article182659#


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (VIII)
- la fausse piste -

6 avril 2025 – 9h18
Cimetière du Père Lachaise.
Le matin est bien frais pour ceux qui le sont moins. L’inspecteur Crapot, affalé sur la tombe de Jim Morrison, se réveille, la bouche pâteuse, entouré de fleurs déposées là par les fans du chanteur des Doors. Le commissaire Crémont, lui s’est littéralement effondré sur une tombe d’un général oublié, Auguste Étienne Marie Gourlez de Lamotte, non loin du roi Lézard, d’où Crapot se lève enfin.
— Commissaire ? appelle-t-il.
Encore groggy de leur soirée et de leur beuverie nocturne, le commissaire ouvre un œil cireux.
— Wooo puté ! J’ai un de ces mal de crâne, Crapot.
— Faut dire qu’on a écumé les mastroquets du quartier.
— Mais qu’est-ce qu’on fout là aussi ?
— Il me semble me souvenir que vous désiriez “faire un tour”, histoire de pincer “Le Fantôme du père Lachaise”, comme l’appelle la presse. Et puis subitement, j’ai voulu voir la tombe de mon chanteur favori.
— Ce beatnik ? John Mortison ?
— Jim Morrison, sourit compréhensif, l’inspecteur. C’est vrai que ce n’est pas votre période.
— Ouaip, moi je suis plutôt porté sur le jazz, Crapot ! De la musique ça au moins.
— Okay, okay, commissaire, on ne va pas faire un débat.
— Ouaip. Bon... il est quelle heure ?
— Presque neuf heures trente, commissaire.
— Merde ! Vous avez rendez-vous au Ministère de l’Économie, Crapot.
L’inspecteur, est soudain rappelé à ses obligations.
— Ah ouaip, c’est vrai...
— Cachez votre joie !
— Ben, Michel Sapionce, je risque de m’ennuyer ferme.
Avec un sourire légèrement narquois, le commissaire lui rappelle qui est le patron.
— C’est comme ça et pas autrement.
— Je sais, je sais...
6 avril 2025 – 10h32
Ministère de l’Économie et du Relèvement Déficitaire, bureau du Ministre Sapionce.
— Bonjour monsieur le ministre.
— Bonjour commissaire.
— Désolé, je suis l’inspecteur Stéphane Crapot, mon supérieur a dû aller à un autre rendez-vous, il m’a délégué pour le représenter.
L’air presque déçu, le ministre se lève de son bureau pour aller serrer la main de l’inspecteur.
— Eh bien, enchanté. Mon collègue de l’intérieur, trop occupé m’a-t-il dit, ma demandé de vous faciliter des recherches sur un ancien employé du ministère durant la période troublée de 1871.
— C’est cela. Il aurait hébergé un communard dont nous soupçonnons un lien avec “Le Fantôme du père Lachaise”.
— Ah !... Vraiment ?
— Vraiment. Nous n’avons que l’adresse où aurait habité le fonctionnaire dont je viens de vous parler.
— Le communard ?
— Non... l’autre, dont nous n’avons rien trouvé dans nos archives. Même parmi toutes les lettres que nous avons lues.
— Oh, vous savez, moi les lettres... Mais bon. Un instant, je préviens le sous-directeur, chargé des missions de supervision dans la subdivision des archives du personnel et des intérimaires de l’entre-deux-guerres.
— Lesquelles ?
— Entre la première et la seconde !
— Euuuh, je suis désolé, mais il s’agit plutôt entre la guerre de Crimée de 1853 à 1856 et la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
Michel Sapionce en reste coi des connaissances de l’inspecteur.
— Oh, vous savez, moi l’Histoire !
L’inspecteur reste poli et ne dit rien, tandis que le ministre appelle son secrétaire par l’interphone.
— Mon bon Paul, voulez-vous me faire l’obligeance de demander, si cela est possible, à monsieur Hans Gévaudan de bien me faire l’honneur de monter me voir.
— Fort bien monsieur le ministre d’État de l’Économie et du Relèvement Déficitaire.
Ayant coupé l’interphone, le ministre se tourne vers l’officier de police.
— Un rien obséquieux ce Paul Quilavalle, mais un collaborateur remarquable.
— J’en suis certain.
7 avril 2025 – 8h54
Préfecture de police, bureau du commissaire Crémont.
L’inspecteur semble fourbu, mais son œil est pétillant.
— Eh bien, Crapot, on a l’impression que vous revenez d’un concert de hippies. Je vous ai attendu hier.
— Je sais commissaire, j’ai bien essayé de vous téléphoner... c’était trop tard, mais ce type aux archives de Bercy.
— Quoi donc ?
— Oh, ce type... une horreur Hans Gévaudan ! Mais on a fini par trouver l’homme en question.
Le commissaire se lève, il a un sourire carnassier, celui qu’aurait un fauve s’apprêtant à enfin croquer sa proie après une longue poursuite.
— Alors, dites... me faites pas mariner !
— Il s’appelait Gustave Montesqurious-Darmagnan, secrétaire du ministre des finances de l’époque, un certain Augustin Pouyer-Quertier.
— Un descendant du fameux et célébrissime héros rabelaisien ?
— Euuuh, non, ce serait plutôt Alexandre Dumas.
— Ah ! Le fameux Darmagnan ! Et donc... il y a des descendants de ce Gustave ?
— Oui, un ex sénateur qui faisait du cash-cash monnaie en Suisse et au Luxembourg. Il s’appelle Aimable de Montes-qurious, et c’est un poutinophile patenté, qui fricote avec les Lepiristes et les Zammérienistes.
— Une fausse piste alors ! Je vois pas un type comme ça être un vengeur de la Commune. On repart à zéro !
C’est à cet instant là que le téléphone sonne.
— Allô ?
— ...
— Comment ça, un type avec une voix rauque qui demande à me parler ?
— ...
— Passez-le moi... Allô ?
— ...
— Vous vous foutez de ma gueule, ou quoi ?
— ...
— Ah oui, comme ça... la nuit prochaine, le 9 ?
— ...
— Ouaip mon gars, on va te coincer cette nuit alors ! Et ça va twister pour toi.
— ...
— C’est ça, c’est ça... rigole.
Le commissaire, soudainement énervé, a failli balancer le téléphone par la fenêtre. Il se tourne vers son collaborateur.
— C’était le fantôme !
Surpris, l’inspecteur demande à en savoir plus sur cet appel.
— Mais que vous a-t-il dit ?
— Que l’on trouverait le cadavre de Sarah Knarof, la députée européenne, la compagne d’Erich von Zammérien, après-demain matin.
— Au cimetière du père Lachaise ?
— Oui.
— Il a dit sur quelle tombe ?
— Celle d’un certain Léo Frankel. Y se fout de notre tronche... je vais te le coffrer moi, tu vas voir.


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (IX)
- ça tombe bien, si on ose dire -

8 avril 2025 – 9h01
Cimetière du Père Lachaise.
Yvette Latord, un petit bouquet de jacinthes en main, arrive devant l’entrée principale du cimetière, juste à l’ouverture, pour s’apercevoir qu’on a apposé un panneau sur la porte fermée. “Désolé cher public, le cimetière est fermé, cause grève”.
Elle s’approche d’un policier en faction, qui ressemble furieusement à un Horse Guard devant Buckingham Palace. L’air impassible, droit comme un piquet.
— Pardon, monsieur l’agent, dit-elle aimablement, c’est la grève de qui ?
Le factionnaire ne répond pas, ne la regarde même pas, ses yeux sont fixés sur un point en face de lui, rue de la Roquette.
Étonnée, Yvette repose sa question, cette fois en détachant bien les syllabes, comme elle le faisait couramment avec ses élèves lorsqu’elle leur faisait faire une dictée.
Mais elle n’obtient toujours aucune réponse.
Elle le fixe du regard, essayant de déceler s’il est encore vivant.
“Oui, il respire”, se dit-elle en elle-même.
Elle tourne les talons, décontenancée par ce qu’il se passe.
C’est à cet instant-là qu’elle remarque les cars de police un peu partout sur les côtés des boulevards parallèles au mur du cimetière. Elle n’insiste pas, ça lui rappelle trop Mai 68.
Un petit sourire au coin des lèvres, elle se met à penser “Houlaaa, mon Henri attendra bien un autre jour, là où il est il ne risque plus rien avec les poulets.”
8 avril 2025 – 9h13
Préfecture de Police.
C’est l’effervescence, d’autant que les médias ont aussi été prévenus.
— Crapot ! On a bien fermé les portes du cimetière ?
— Oui commissaire, et on a même apposé un panneau... pour cause de grève, histoire de donner le change.
Le commissaire Crémont fait une moue dubitative.
— Mouaip, je sais pas si ça va prendre, faut pas trop prendre les journaleux pour des canards sauvages. Enfin bon... passons. Sinon, tout est en place ?
— Oh oui, commissaire, depuis cette nuit, déjà. Le tout en silence.
— Bah, c’est pas les locataires du cimetière qui vont se plaindre. C’est de la viande froide.
8 avril 2025 – 14h08
Cimetière du Père-Lachaise.
Une manifestation organisée par l’extrême droite marche en rangs serrés dans la rue de la Roquette, en direction du Père-Lachaise. Un bon millier d’excités qui vocifèrent contre la supposée inaction de la police et le lieu commun d’un “laxisme de la justice”. Le rétablissement de la peine de mort est fortement exigé par les plus radicaux, certains, à l’image de Pascal Proute, vont jusqu’à réclamer la réouverture du bagne de Toulon à Perpignan, ville tenue par le maire Louis Alidiau.
Un cordon de CRS, tout sourire, leur barre malgré tout le passage.
Jordan Brassdelère, en tête de cortège, avance visage fermé, une main sur le cœur sous son manteau et l’autre main dans le dos. Martial.
Des dizaines de journalistes, photographes, caméramans, sur les trottoirs sont les témoins de cette marche. Seul l’un d’eux du magazine “Râleurs actuels” a été autorisé par le nouveau chef du Réassemblement à l’accompagner pour recueillir ses pensées et réflexions outrées.
Mais soudainement, sur les trottoirs, les spectateurs partent les uns après les autres.
Indigné par ce départ précipité, Jordan s’aperçoit qu’il vient de recevoir une alerte sur son smartphone.
“Dépêche de la FP :
Le Fantôme du Père-Lachaise annonce la fin prochaine du Sacré-Cœur.”
La manifestation se vide, tandis que quelques membres d’associations catholiques ferventes se mettent à genoux en psalmodiant en latin des chants de grâce.
8 avril 2025 – 20h04
Journal télévisé de FranceNational 2.
Laurent Faukuz, ministre de l’Intérieur, est l’invité d’Anne -Sophie Leprixe.
— Qu’allez-vous faire, monsieur Faukuz pour protéger ce saint monument ?
— Ce criminel, par cette annonce ignoble, certes, mais totalement inepte, est une fake news ! Notre Sacré-Cœur est indestructible, selon les experts consultés. N’ayez pas peur, Françaises, Français, la sécurité est notre force, parce que nous sommes les meilleurs.
— Et au sujet de la disparition inexpliquée de Sarah Knarof ?
— Eh bien, pareillement, c’est une autre fake news, elle et le fils du beau-frère de la mère du cousin, descendant putatif du général Pâtissier, sont en vacances à Disneyland, sur l’invitation d’Elon Meurk.
— Merci monsieur le ministre de ces messages rassurants. Mais un peu hors sujet, passons au suivant, la fonte des neiges, brutale, à Courchevel cet hiver a irrité notre Président Emmanuel Machin durant ses vacances, nous passons donc l’antenne à l’Élysée pour une déclaration solennelle pour des annonces de restauration de la neige.
9 avril 2025 – 1h08
Cimetière du Père-Lachaise.
La lune, dans un ciel presque sans nuages, éclaire la 96e division du cimetière. La tombe de Léo Frankel[1], désignée par le Fantôme au commissaire, l’autre jour, pour y recevoir le cadavre de Sarah Knarof, est entourée d’une bonne douzaine d’agents sur un qui-vive chancelant.
Silencieusement une ombre se faufile. Un instant, alors qu’un nuage se dissipe, la Lune éclaire le Fantôme à quelques pas à peine du cordon policier. Il est grand, svelte, de longues mains fines sortent des manches de son long manteau gris. Un détail, son visage est caché par un masque à gaz.
Cependant, sans doute trop fatigués par une longue faction, les gardes de la tombe n’ont rien vu. Le Fantôme sort de sa poche une sorte de fiole qu’il lance dans leur direction. Aussitôt, une fumée violette entoure la scène, faisant tomber d’un coup tous les gardes dans un profond sommeil.
10 avril 2025 – 15h44
Basilique du Sacré-Cœur.
Le commissaire, l’air lugubre, tourne en rond sur le parvis. Il ronchonne.
— On est dans la merde, dans la merde, dans la merde jusqu’au cou. L’Assemblée nationale, les excités de fachos, et maintenant ce nouveau “Comité Tagada-Tsoin-Tsoin” qui rend hommage à Léo Frankel !
— Ah ?
— Ben tiens, parce que c’était un immigrant hongrois, membre de l’internationale et aussi durant La Commune. Alors évidemment, le Reconditionnement, parti de Zaimmerien, crie au scandale, et harcèle le Préfet...
— Ah ? Et pas le ministre ?
— Non, il est au salon du livre de cuisine au Puy-en-Veule jusqu’à dimanche et il a “oublié” son téléphone.
— Ah ? Et que dit Manuel Bossa-Nova ?
— Qu’on est dans la merde, dans la merde jusqu’au cou.
— Ah ?
— Dites, Crapot, vous arrêtez avec vos “Ah”... ça m’agace !
— Oh !

[1] En 1968, sa dépouille est transférée au cimetière national de Fiumei út à Budapest. Sa tombe parisienne, devenue depuis lors un cénotaphe, est toujours visible.


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (X)
- le pendu du Père-Lachaise -

11 avril 2025 – 10h22
Cimetière du Père-Lachaise.
Après la découverte du corps de la députée européenne du Recon[1] et le message enfoncé dans sa gorge, “Hostis humani generis”[2], les effectifs ont été doublés, et ce matin, il y a des tireurs d’élite un peu partout.
— Commissaire, vous avez lu la presse ce matin ?
— Non, je ne lis que “Jazzy magazine”... et que dit-elle la presse ?
— Regardez !
En effet, à la une du “Journal de Saône et Pinard”, s’étale un titre sur trois colonnes.
“Une procession au Père Lachaise” :
Laurent Ulchic, l’archevêque de Paris annonce une procession demain au Père Lachaise pour l’expiation des crimes de la Commune et de leur sbire fantomatique...”
— Dites, Crapot, vous lisez un journal de province ?
L’inspecteur a l’air surpris et vexé.
— Et pourquoi pas, ça me rappelle ma jeunesse à Potin-le-Preux.
— C’est où ça ?
— Une petite ville, dans les Côtes-du-Rhône. Mais c’est pas ça l’important, c’est la visite processionnelle !
— Fallait s’y attendre.
— Qu’est-ce qu’on fait alors ?
— Selon la loi de séparation de l’Église et de l’État... rien !
— Comment ça, “rien” ?
— Tant que j’ai pas d’ordre du Préfet, je ne prends pas d’initiative. Pour moi c’est hors sujet ! Bon, en tout cas, nuit calme, les pensionnaires n'ont pas été dérangés. On repart à la Maison.
12 avril 2025 – 11h37
— La nuit a été calme, commissaire ? demande l’inspecteur Crapot.
— Oui, rien à redouter apparemment. Le Préfet Bossa-Nova va être content. J’étais pas trop chaud pour faire le service d’ordre du clergé, mais un ordre est un ordre.
L’inspecteur sourit en coin.
— Vous êtes pas trop porté sur les corbeaux[3] ?
Le commissaire fronce les sourcils et grommelle.
— Mouaip... prêchi-prêcha. Mais on est là... on est là.
— À ce propos, là, il y a déjà la centaine de processionnaires, mais où est l’archevêque ?
Ouvrant de grands yeux soudainement, le commissaire s’en aperçoit en effet.
— Merde ! Pourtant j’avais informé le service de protection qu’il pourrait être...
La réflexion du commissaire Crapot est interrompue par un cri.
— On a pendu l’archevêque ! On a pendu l’archevêque !
L’émotion se répand comme un souffle de vent. La foule de la centaine de gens venus à l’appel de leur prélat commence à bruisser de grognements pour certains et de chants marials pour d’autres !
— Bon, on évacue tout ce beau monde, ordonne le commissaire.
13 avril 2025 – 7h53
— Pilou, tu as lu “L’Homini-dé” ce matin ?
— Vouaip... le pape Kévin va venir à Paris le 1er mai pour une messe dans cette basilique de merde.
— C’est carrément une provocation. Alors, on va organiser une contre-manifestation ?
— Moi je pense que c’est une bonne idée. On réunit les camarades, on en parle demain. Faut prévenir tout le monde.
13 avril 2025 – 9h48
Préfecture de Police.
Bureau du commissaire Crémont.
— Crapot, je me suis pris une soufflante de notre préfet, Manuel Bossa-Nova. D’autant que le message retrouvé dans la gueule d’Ulchic était carrément une déclaration de guerre.
— Et ça disait ?
— “Dolus an virtus quis in hoste requirat ?”
— Aïe ! “Ruse ou courage, qu'importe contre l'ennemi ?” C’est inquiétant.
— D’autant plus que le piquet sur lequel on a pendu Ulchic, était juste en face de la tombe de votre chanteur préféré !
— Jim ?
— Oui Jim Mortison...
— Jim Morrison, patron.
— Oui, oui, m’emmerdez pas Crapot !
— En plus, maintenant c’est le pape qui souhaite venir à Paris le 1er mai.
— Oui, j’ai lu la presse cette fois... la presse nationale mon petit.
— Oui, oui, bon, ça m’arrive aussi.
— Allons, je vous taquine. Bon, avant on était déjà dans la merde, alors maintenant c’est pire.
— Ah ?
— Crapot !

[1] Abréviation du parti facho “Reconditionnement”.
[2] “Ennemi de la race humaine.”
[3] L’un des surnoms donnés aux curés.


***



ON NE BADINE PAS AVEC LA MORT (XI)
- sécurité, j’écris ton nom -

13 avril 2025 – 10h30
Cimetière du Père-Lachaise.
— Chambranle, vous n’êtes pas à Notre-Dame ?
Loïc Chambranle est un inspecteur de la Direction nationale du renseignement territorial (DNRT, énième rejeton des RG).
— Pas la peine, mes collègues du SDLP, du GIGN, de la DNSP et du SNRO sont déjà sur place. La messe en hommage à l’archevêque devrait bien se passer.
— Eh bé ils ont mis tout l’alphabet en branle, sourit le commissaire Crémont en visite d’inspection.
— Et vous, vous n’y allez pas, si je comprends bien.
— T’as tout compris, Loïc, je suis pas friand de leurs simagrées.
L’inspecteur Chambranle le regarde froidement.
— Vous ne croyez en rien, alors ?
— Si, dans le Code pénal et Dizzy Gillespie, et ça me suffit bien.
13 avril 2025 – 11h30
Notre-Dame de Paris.
Le président Emmanuel Machin, entouré de tout le nouveau gouvernement de Gérald Duralamain est au premier rang. Sur les rangs de chaises derrière, sont tous les hauts dignitaires de l’Église de France dans leur plus bel apparat.
L’ex-archevêque, démissionnaire, et encore valide, Michel Aupiteux ânonne l’éloge funèbre à son collègue assassiné dans la nuit du 11 au 12 avril dernier par le Fantôme du Père-Lachaise. Avec précipitation, la cérémonie a été organisée par les autorités civiles et religieuses.
Emmanuel Machin se tourne discrètement vers la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Brosse-Privé.
— Dites, vous pourriez demander à votre double du Sénat d’arrêter de ronfler, c’est un peu agaçant.
En effet, Gérard Lachaire, lui président du Sénat, s’est assoupi inopinément.
Elle lui donne un coup de coude dans les côtes, le réveillant d’un coup. Il sursaute.
— C’est déjà servi ?
Yaël lui chuchote à l’oreille.
— C’est juste la messe qui est servie, votre repas c’est pour après.
Presque déçu, il tente de reprendre une attitude digne.
Ce genre d’évènement où le gratin politique, économique, religieux, artistique et militaire se réunit est assez rare et certains en profitent pour compter les adeptes du culte. Ainsi Vincent Bléno, le patron industrio-médiatique fort bien connu, à qui cette dernière scène n’a pas échappé, se tourne vers sa nouvelle éminence grise, depuis son départ forcé des petits écrans, Cyril Lane-Ouna.
— Faites-moi penser à retirer ce type de la liste des bénéficiaires de mes largesses.
Lane-Ouna sourit ironiquement et note la réflexion de son maître sur son smartphone.
C’est à cet instant, alors que dans ses derniers borborygmes insipides, Michel Aupiteux finit sa péroraison, qu’un chant religieux clôt enfin la cérémonie.
Gérard Lachaire se lève, regarde sa montre et se garde bien de dire à haute voix la pensée qui lui traverse la tête.
— Déjà midi douze !
15 avril 2025 – 15h59
Au local du groupe Tagada-Tsoin-Tsoin, tous les membres sont arrivés.
— Bon, qui veut prendre la parole en premier ?
C’est Zébelle, acteurice non-binaire au Théâtre de la compagnie “Les pieds devant”, qui prend la parole.
— Merci Pilou de nous avoir ainsi réuni. Personnellement, j’imaginais un lancer de boules puantes durant le radotage de Francky.
— C’est qui donc Francky ? demande naïvement Lucien Pilpoil, le poète anarchiste.
— Le papounet du Vatican, Lucien.
— Ah ! Je croyais que c’était le chanteur. Mais j’aime bien l’idée de Zébelle.
— Faut pas oublier, camarades, que le Fantôme a annoncé la fin du Sacré-Cœur ! Je crains que d’être sur les lieux pourrait être dangereux pour nous. Rappelez-vous le couplet de Boris Vian :
“Mais sitôt qu'ils sont
tous entrés
Il les a enfermés, en disant
soyez sages
Et, quand la bombe
a explosé
De tous ces personnages,
il n’est plus rien resté”
Le silence se fait, comme si personne n’avait vraiment jamais imaginé une telle éventualité.
Pilou reprend la parole.
— Et si tout simplement, nous ne faisions rien... juste filmer la fin de ces gugusses ?
— On sait qui il y aura le 1er mai, au Sacré-Cœur ?
— Bah, déjà le pape Francky, Emmanuel Machin, Giorgia Melondi, le roi d’Espagne, Viktor Oldbràn...
— Pas le président Trumpet ? s’interroge le jeune Alizair.
— Je crois pas. Mais ça risque d’être joli à voir quand même.
Autour de la table de réunion, les rires fusent, libératoires.
18 avril 2025 – 9h25
Préfecture de Police.
Bureau du commissaire Crémont.
Il tourne en rond depuis qu’il est arrivé à son bureau, vers 6 heures.
“Toc-Toc”
Il se fige, tourne la tête vers la porte.
— Entrez !
Un gardien de la paix passe la tête précautionneusement par l’ouverture.
— Toujours aucune nouvelle, commissaire.
— Mais bon sang de bois, où est passé Crapot ! Deux jours déjà, et aucune nouvelle... et au cimetière, du nouveau ?
— Non, commissaire, rien, on s’emmerde sec là-bas... faut bien le dire, le Père-Lachaise c’est pas très animé.
Crémont se garde bien de répondre méchamment, après tout il demande beaucoup de sacrifices à ses hommes.
— Je sais... faites une belotte ! Ça passe le temps.
Le policier qui s’attendait à une soufflante, sourit, rassuré.
— Ça c’est une idée. On va organiser un concours.
— C’est ça, c’est ça... et ceux qui gagneront auront droit à une nuit de repos.
Le gardien de la paix commence à refermer la porte dans un état de surprise joyeuse, lorsque le commissaire précise.
— Mais, gaffe ! Si vous me loupez le Fantôme, vous irez tous faire la circulation en Terre Adélie ![1]
19 avril 2025 – 19h05
Palais de l’Élysée.
Bureau du Président.
— Mon petit Kolère, je vais m’adresser aux Françaises et aux Français demain soir.
— Vous en êtes sûr ? Ce n’est pas pour une dissolution ?
— On verra ça en juin. Non, on s’est réuni avec Brigitte et on a eu une grande idée !
— Ah ? fait le Secrétaire général de la présidence un peu inquiet.
— Je ne vous dis rien, vous verrez, mais Brigitte a vraiment de bonnes idées.
Alexis Kolère reste zen et se retire sans rien dire de plus.
20 avril 2025 – 10h22
Préfecture de Police.
Bureau du commissaire Crémont.
Une réunion des principaux collaborateurs du commissaire est sur le point de se terminer.
— Donnez-moi cette lettre ! intervient Ursule Crémont.
En effet, un coursier de Uber-Post a été introduit dans le bureau, porteur d’un paquet comprenant une lettre et une oreille ensanglantée à l’intérieur d’un morceau de coton.
Le commissaire Crémont un peu nerveux, prend la lettre qu’on lui tend.
“Nous, Nationaux Révolu-tion-naires Volontaires, qui défendons la suprématie masculine et chrétienne et nationale, détenons votre inspecteur Crapot. Nous le libérerons que si rien de grave ne se passe le 1er mai prochain. Nous demandons aussi des tickets restaurant et trois Passe Navigo, qui seront déposés devant le caveau de Jacques Lehideux au Père-Lachaise le 21 avril à 3 heures du matin.
Ne prévenez pas la presse, sinon s’en sera fini de Crapot.
Signé : Zorro.”
— Qu’est-ce qu’on fait, patron ? demande le lieutenant Aristote Nelchansky.
— Je vais y réfléchir.
Le commissaire Crémont fait signe à ses subordonnés qu’il a besoin d’intimité.
Il s’assied à son bureau, ouvre son ordinateur et tapote sur le clavier à la recherche d’informations sur ce Lehideux.
20 avril 2025 – 20h02
Palais de l’Élysée.
Le président, face caméra, commence son intervention.
Françaises, Français.
— Mes chers compatriotes. Comme depuis le début des crimes atroces et antirépublicains, je tiens à m’adresser directement à vous, après m’être beaucoup entretenu avec les meilleurs spécialistes des questions liées à la sécurité intérieure et à la défense de nos lieux de sépultures, patrimoine incontestable de nos valeurs chrétiennes. J’ai donc décidé de restructurer toutes nos forces de l’ordre et de son maintien pour le bien de notre économie et de notre image à l’extérieur de nos frontières... à l’étranger. Ainsi, les forces armées de terre, de mer et de l’air, la gendarmerie, la police nationale, les services secrets et tous autres services de sécurité seront désormais réunis en un seul corps, “France-Sécurité”. Pour épauler les commissariats et casernes, les bureaux de poste, marchands de journaux et supérettes seront désormais aussi à l’avantage de France-Sécurité pour recueillir les renseignements afin de réduire enfin la menace de cet énergumène antirépublicain. J’ai confiance en vous, confiance en nous pour rester unis, sereins, déterminés.
Vive France-Sécurité.
Vive la République.
Vive la France.”
21 avril 2025 – 2h48
Cimetière du Père-Lachaise...

Suite au prochain épisode.

[1] Possession française en antarctique.